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quelques jours, ou elle reprendra un peu de forces et traînera encore quelque temps, car on dit que, dans ce moment, elle ne mourrait pas de la maladie principale, qui n’est pas à sa fin ; elle ne souffre pas du tout, et c’est son estomac et l’inanition qui la font mourir... Elle voudrait être enterrée près de sa mère. J’espère qu’on ne lui refusera pas cette faveur. Je te fais grâce de plus de détails sur elle. J’ai été saisie de la voir. Ce n’est plus que des os et la physionomie d’une mourante.


Valérie à sa sœur.

Chère amie, je ne sais comment te parler de la Reine. Je n’ai pas le courage d’aborder cette pensée unique qui me déchire le cœur, à présent qu’il ne reste plus d’espoir. Elle vit, elle respire, voilà tout ce que je puis t’en dire ! Mais le changement opéré depuis votre départ est effrayant. Le bouillon a passé hier ; à différentes reprises, elle en a pris vingt et une cuillerées à café ; mais Sauter dit que cela ne signifie plus rien et peut tout au plus se prolonger deux ou trois jours, et, à voir son visage, on ne peut espérer davantage. Je suis au désespoir, car je perds un appui, une protectrice et un cœur où j’avais place. Je m’aperçois bien que la Reine est trop affaiblie pour me soutenir au milieu de tous ses alentours...

Avec un caractère et une conscience comme les miens, on est au-dessus de la méchanceté et de la calomnie ; mais, à quelques mots du Prince, j’ai pu voir qu’on ne m’a pas ménagée auprès de lui. Il m’a dit tout franchement que la froideur qu’il me témoigne tient à la conduite de ma sœur et de mon beau-frère, qui auraient pu prévenir tous ces malheurs, si ma sœur l’avait averti de la dénonciation de M. Raindré. Quel horrible regret et quel chagrin pour moi ! Mais tout pâlit à côté des craintes du moment. Je ne puis croire à cette mort inévitable, prochaine ; je me fâche contre ceux qui y croient et, à cette pensée, ma douleur est telle que tout mon être se révolte... Ce sera pour moi une consolation, comme un devoir, de ne me séparer d’elle que le plus tard possible. Elle m’avait promis de remplacer ma maman !


Jeudi 28 septembre.

... Avant-hier, au moment où nous allions diner, j’ai eu une