Page:Revue des Deux Mondes - 1916 - tome 32.djvu/862

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

commerce et se poursuivant les uns les autres. De pareille chose il n’est plus question depuis bien des mois. Tous les croiseurs et la plupart des croiseurs auxiliaires allemands ont été pris ou coulés par les croisières alliées. La guerre au commerce n’est plus exercée par nos ennemis que sous une forme déguisée et singulièrement perfide dont le cas du Moewe est l’exemple le plus connu.

Les Allemands ont construit, parait-il, une demi-douzaine de ces bâtimens tout semblables extérieurement à des bateaux de commerce ordinaires, mais très rapides et machinés de façon à remplir leur rôle. Rien n’empêche de transformer à cette fin de vrais chargeurs rendus inutiles par le blocus anglais. On met donc en mer un navire de commerce à l’allure la plus pacifique, non pas paquebot fringant, mais modeste cargo comme il y en a tant ; seulement il porte des équipages de guerre et des canons. On en fait un pirate. Les équipages se déguisent au besoin en marins du commerce ; les canons disparaissent à volonté ; le bateau arbore un pavillon neutre et, sous ces apparences débonnaires, circule sans éveiller la défiance parmi les flottes de tous pays. Au large, quand il rencontre seul à seul un bâtiment anglais ou français, il le canonne et le coule.

Voilà la nouvelle guerre de course. Elle nécessitera des mesures de police particulières ; mais ce n’est qu’un brigandage et l’on peut penser qu’il ne saurait avoir de bien graves conséquences. Le fait souligne néanmoins la transformation, que nous avons indiquée, des méthodes et aussi de l’état de guerre ; ce dernier s’étend, de plus en plus, par la force des choses, aux activités commerciales les plus diverses ; les échanges maritimes ne peuvent pas rester à l’écart dans le monde tout entier bouleversé par la tempête militaire.

Quels sont d’ailleurs les bateaux qui sont les victimes et les acteurs les plus fréquens de la guerre ? Des bateaux de commerce. Les cuirassés ne sortant plus guère des rades, les petits croiseurs, seuls au large à représenter les armées navales, ne rencontrant pas souvent les sous-marins ennemis qui les évitent, le contact entre les marines opposées se fait, d’un côté par ces sous-marins, de l’autre par les paquebots qu’ils chassent ou les chalutiers et petits vapeurs qui les pourchassent eux-mêmes. Les chalutiers effectuent les dragages contre les mines et les