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LA
GUERRE QUI SE TRANSFORME
SOUS NOS YEUX

Un des traits frappans de la guerre actuelle est sa plasticité, ou plus exactement son caractère évolutif : elle se transforme en se poursuivant ; elle change sous nos yeux, dans nos mains. La guerre que nous faisons n’est pas la même que firent au début les héros martyrs de Belgique, les héros malheureux de Charleroi, les héros vainqueurs de la Marne : par les moyens d’action, par les méthodes, par la tactique, elle en diffère autant que les guerres du XVIIIe siècle pouvaient différer de celles du XVIIe. Nous brûlons en quelques mois des étapes qui jadis eussent occupé des générations.

Mais pourquoi notre guerre évolue-t-elle si vile ? Sans doute parce que la puissance de l’outillage industriel permet de réaliser en peu de temps des progrès immenses, et que le développement des cultures intellectuelles en multiplie partout les germes. L’énormité des masses mises en jeu : masses d’hommes, d’approvisionnemens, d’armes, de ressources financières, etc., donne à la guerre la possibilité d’une durée suffisante pour faire éclore et mettre en jeu ces progrès ; et ils renouvellent périodiquement la physionomie de la lutte.

Il ne faudrait pas croire ce caractère entièrement nouveau. De tout temps se sont révélées, au cours des guerres, des