Page:Revue des Deux Mondes - 1916 - tome 32.djvu/810

Cette page a été validée par deux contributeurs.
806
REVUE DES DEUX MONDES.

d’or et de corail ne vont-elles pas s’effriter ? La cathédrale de Reims nous éblouit comme un beau coucher de soleil…

14 août.

Un château de briques et de pierres dans un parc, où coule un petit cours d’eau, des gazons, des géraniums, des ponts rustiques et des allées qui serpentent… Combien tout cela paraîtrait bourgeois et tranquille, sans la sentinelle qui arrête notre voiture à la grille !

Devant la porte, des officiers d’état-major attendent l’heure du déjeuner. À l’intérieur, un salon avec de belles tapisseries, quelques jolis meubles et les inévitables cartes militaires et photographies d’aéroplanes. À déjeuner, le général, son état-major et un officier du grand quartier général, — une douzaine en tout. — Et toujours cette même atmosphère de camaraderie, de confiance, de bonne humeur qui caractérise les officiers des premières lignes. Combien de fois, pendant mes visites au front, n’ai-je pas eu cette impression !

II. — EN ALSACE

Thann, 15 août.

Ce matin, nous partons pour l’Alsace reconquise. Pour des raisons ignorées des civils, ce coin de la vieille-nouvelle France a été jusqu’ici inaccessible, même pour d’importans personnages ; aussi, est-ce avec une émotion toute spéciale que nous prenons le chemin qui va nous y mener.

Nous traversons plusieurs vallées, passant par des villages tranquilles, aux pignons couverts de vignes où presque toutes les enseignes des magasins sont écrites en allemand. Nous franchissons, sans nous en apercevoir, l’ancienne frontière et nous sommes maintenant dans la charmante ville de Masevaux. C’est la fête de l’Assomption : la messe venait de finir, quand nous arrivâmes sur la place de l’Église. Les rues étaient remplies de gens bien mis, sourians, qu’on eût dit inconsciens de la guerre. Aux mains de leurs mères, des petites filles descendaient les marches de l’église, habillées toutes en blanc, avec des couronnes blanches sur la tête. Des groupes d’officiers causaient avec des bourgeois endimanchés, — et, à travers les