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fumante où les moineaux perchent tristement sur la mangeoire vide. Les cultivateurs n’ont plus à leur disposition que de très jeunes ou très vieux chevaux ou des éclopés. De plus, le fumier manque, les engrais se font rares à cause de la difficulté des transports, de la réquisition des nitrates, de la fermeture de nos frontières aux engrais potassiques. Le bétail national a diminué dans des proportions inquiétantes et ne peut plus guère contribuer aux travaux des champs. Doit-on laisser la France en friche, et permettre que sa terre s’engourdisse et s’endorme, tandis qu’on la sauve ? Et demain, quand les gars des champs rentreront avec la victoire fichée à la pointe de leurs baïonnettes, ces gars qui n’étaient déjà pas assez nombreux avant la guerre, et qui léseront, hélas ! encore beaucoup moins, les laissera-t-on seuls face à face avec une besogne disproportionnée à leurs forces et à leur nombre ? Non, cela n’est pas possible.

Tout cela, le gouvernement l’a compris lorsqu’il a envoyé naguère aux États-Unis une mission économique dont le chef était M. Damour, député des Landes. Le ministre de l’Agriculture, M. Fernand David, avait désigné pour s’occuper dans cette mission des questions agricoles un jeune ingénieur, M. Lesueur, dont les conclusions pleines d’intérêt sont sur le point d’être remises aux pouvoirs publics et leur fourniront certainement des élémens importans de solution pour les questions actuellement soulevées, et qui seront résolues, il faut l’espérer. Car, comme le disait récemment M. Méline, à la séance annuelle de l’Académie d’agriculture, « ce qui pourra être tout de suite remis en marche, c’est ce merveilleux instrument qu’est la terre, l’admirable terre de France, source de toute richesse parce qu’elle est véritablement créatrice. »


Il est évident tout d’abord que l’introduction des appareils mécaniques dans notre agriculture, quel que soit leur type, est devenue tout à fait indispensable. Il faut se préoccuper sans tarder de la récolte de cette année, de celle de l’année prochaine, de toutes celles d’après-guerre. Avons-nous sous la main, chez nous, les appareils nécessaires ? Pouvons-nous les faire immédiatement en ce moment ? A ces questions nous devons répondre catégoriquement : non. Les constructeurs français de machines agricoles sont en face de difficultés prohibitives de toute production importante. Ils manquent de matière première, d’ouvriers, de techniciens ; les transports sont pour eux très difficiles. Il n’y a donc pour les besoins immédiats que deux