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Or, c’est tout justement ce que font en ce moment nos ennemis. Partant de cette idée simple, et d’ailleurs fausse, que le blocus à peu près hermétique, — je dis à peu près ! — qui les enserre de tous côtes est illégal et abusif ; oubliant ou feignant d’oublier, d’abord que la mise en jeu de la force navale britannique a été la conséquence immédiate de la violation de la neutralité belge, ensuite que, dès les premiers jours du conflit et même avant tout acte d’hostilité de la part des Anglais, ils ont semé de mines automatiques, fixes celles-là, toutes les routes de navigation de la mer du Nord, ce qui est aussi contraire aux conventions de La Haye que l’emploi de mines dérivantes constamment offensives, les Allemands se déclarent autorisés à passer outre, une fois de plus, aux tractations solennelles qui portent les signatures de leurs hommes d’Etat [1]. Et par une inconséquence singulière, alors qu’ils ne manquent aucune occasion d’affirmer l’inefficacité de ce blocus et leur foi absolue dans leur victoire finale, d’une part ils s’efforcent d’émouvoir les neutres en leur peignant les ravages causés par les privations au sein des populations « innocentes » de la pacifique Allemagne, de l’autre ils proclament qu’en essayant d’affamer les populations, l’Angleterre et ses alliés ont mérité tous les genres de représailles. Soit ! mais les neutres, ces neutres qu’on veut apitoyer pour qu’ils pèsent sur nos résolutions, ces neutres dont on a tant besoin et qu’il faudrait ménager si soigneusement, sont-ils donc condamnés comme nous, et a-t-on trouvé le moyen d’obliger la mine dérivante à distinguer entre une carène anglaise et une carène suédoise ? Il ne semble guère, à ce qui s’est passé déjà.

Aussi bien, je le répète, ne discutons pas : c’est inutile. On ne discute pas avec un animal enragé, on l’abat. Mais avant d’en venir à ce point de la question, recherchons jusqu’où peuvent aller les ravages causés par la bête. Et d’abord, avons-nous une idée du nombre de mines libres qui peuvent être mouillées par exemple dans les eaux britanniques et franco-britanniques ? C’est fort difficile. Cependant, si les sous-marins des types de 1913-1914-1915 portent une douzaine de ces engins, ce qui fait que, dans chacune de leurs sorties, —

  1. Convention VIIIe déjà mentionnée ; article 2 : il est interdit de placer des mines automatiques de contact devant les côtes et les ports de l’adversaire dans le seul dessein d’intercepter la navigation de commerce.