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chose ne tirerait pas à conséquence, et le fait qu’à Noël dernier, il ne se trouvait pas, aux Halles, assez d’asperges à 30 francs la botte pour satisfaire toutes les demandes, ne prouverait pas la richesse de la France ; mais les sacrifices faits par la masse de la population, pour conserver la nourriture confortable et variée dont elle a l’habitude, montrent que la France entend ne pas trop se priver et que jusqu’ici elle a le moyen de bien vivre. Un pays pauvre ne connaîtrait pas la cherté, parce que la hausse de certains articles en paralyserait la vente ; tandis que l’achat universel d’une marchandise légèrement raréfiée provoque l’élévation des cours autant et plus que la réduction même des stocks.

La ration annuelle de la France était évaluée en 1913 à 1 900 000 têtes de bœufs et de vaches, fournissant environ 600 000 tonnes de viande nette. La guerre a développé les besoins en multipliant les pertes, qu’entraînent forcément la concentration et le transport de troupeaux immenses. On a critiqué les acquisitions de l’intendance ; on lui a reproché, non sans fondement, d’avoir manqué de méthode, de s’être trompée, au début des hostilités et pendant les premiers mois qui suivirent, sur les régions qui convenaient à ses approvisionnemens ; si bien qu’une partie des bœufs furent abattus à contre-saison. Les détails de cette organisation n’ayant pas été prévus, — et l’on admet volontiers qu’ils ne furent pas les seuls oubliés dans la préparation de cette guerre, — ceux-là mêmes qui ont le plus vivement reproché cette erreur à l’intendance eussent été les premiers à fulminer contre elle si, faute d’expéditions assez rapides du bétail, les troupes au front avaient été moins bien nourries. Or, chacun reconnaît que nos soldats n’ont manqué de rien sous ce rapport et tout le reste était accessoire.

Au 31 décembre 1914, l’effectif de la race bovine avait diminué de 1 700 000 têtes ; au 31 décembre 1915, il est chiffré par l’administration à 12 millions et demi au lieu de 14 787 000 qu’il atteignait il y a deux ans. La différence est moindre en réalité, parce que, dans le chiffre ancien, les dix départemens en partie au pouvoir de l’ennemi, compris pour 1 600 000 têtes, ne figurent dans le chiffre actuel, amputés d’une portion de leur territoire, que pour 700 000.

Mais l’âge du troupeau français n’est plus le même : pour les départemens exactement comparables, ce n’est pas seulement