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Je lui répondis et lui présentai l’hommage des femmes de France, ainsi que l’expression de leur gratitude pour l’œuvre de salut qu’elle accomplit.

L’Impératrice inclina légèrement la tête, et me présenta la grande-duchesse Tatiana, debout à son côté.

La grande-duchesse Tatiana est l’ingéniosité et l’activité mêmes. Ces qualités se lisent sur toute sa personne, malgré la sage réserve qu’elle s’impose. Les quatre jeunes princesses ont reçu une éducation pratique dont elles donnent actuellement des preuves. J’ai déjà dit qu’Olga et Tatiana se consacrent, à côté de leur mère, aux soins des blessés. Les deux plus jeunes Altesses, Anastasie et Marie, travaillent avec eux ou pour eux à de menus ouvrages d’art. J’ai vu ces travaux à l’Exposition du Travail des Blessés, à Tsarskoié-Sélo, dont le docteur Ebermann m’a fait les honneurs. La plupart : boites en bois travaillé ou laqué, objets taillés en pierre de l’Oural, triptyques, icônes serties de perles ou de pierres du Caucase et de la Perse, seraient dignes de la signature d’un artiste.

Tandis que Sa Majesté m’interrogeait, le clair visage de la grande-duchesse Olga apparut à la porte du salon.

— Voici notre petite Française ! dit l’Impératrice avec un sourire d’où la tristesse sembla soudain s’envoler.

Je la remerciai de donner à l’ainée des princesses ce titre que tous les Français ratifieraient avec empressement.

La grande-duchesse me tendit la main, et il me sembla qu’une lueur de rêve passait dans ses yeux. Revoyait-elle la France en fête, la grande poupée offerte à ses admirations d’enfant, le peuple de Paris applaudissant au geste tendu de ses petites mains ?...

Mais, tout à coup, le poids du présent retomba sur nous. L’Impératrice voulut bien m’exprimer ses inquiétudes pour la santé de la princesse Guédroïtz, subitement alitée d’un mal contracté au chevet des blessés ; puis elle me montra les éclats d’obus et de shrapnells dont elle-même a surveillé l’extraction...

Les minutes s’écoulaient, je n’osais prolonger davantage cet entretien... Je saluai l’Impératrice et les grandes-duchesses et je rejoignis le colonel de Wiltchkowsky pour le remercier de son entremise et le prier d’exprimer à Sa Majesté mes remerciemens pour l’honneur fait en ma personne à la presse française.