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officiers du Second Daghestan vont plus loin encore chercher la science... et ne l’oublient plus. Le sous-lieutenant 0... a fait ses études au lycée Richelieu et, sans la canne sur laquelle il s’appuie, je me croirais en conversation avec quelque Parisien raffiné, ayant arboré ce pittoresque costume pour répondre à la fantaisie exotique d’une comtesse de Chabrillan ou d’une duchesse de Clermont-Tonnerre.

Mais les trois croix de Saint-Georges, qui ornent la poitrine du jeune officier, ne sont pas de parade. Il faut voir cependant sous quel voile d’ironie légère il essaie de dissimuler son mérite.

— Comment j’ai gagné mes croix ? Mais comme nous les gagnons tous : en essayant de sauver ma peau ! Le courage, madame, n’est qu’une forme de la peur. L’instinct de la conservation rend ingénieux le plus naïf : c’est cette ingéniosité que vous appelez héroïsme.

— Soit ! dis-je en souriant ; mais tout de même, racontez !

— C’est bien simple. La première fois, je fus chargé d’aller en reconnaissance. La plaine n’était qu’une immensité blanche sur laquelle tout faisait tache. Je m’enveloppai d’un drap blanc et j’arrivai en rampant jusqu’aux tranchées allemandes, dont je pris un complet, mais rapide croquis. Deux heures après, j’étais de retour à mon régiment. La seconde fois, c’est moins encore. Il faut vous dire que nous avons la manie de ramener dans nos lignes nos blessés, et même nos morts. Un Cosaque ne doit pas tomber entre des mains ennemies. Donc, je trouve un blessé... Les balles sifflaient de tous côtés. Quel bouclier magnifique m’était offert ! Je charge le blessé sur mes épaules, et nous rentrons tous deux au camp... Quant à la troisième croix, c’est mon cheval qui l’a gagnée. Mais le cher et brave animal a été tué sous moi et je rougirais de la porter si elle ne m’était un constant témoignage de sa bravoure !


— Je ne vous laisserai pas partir, me dit le colonel de Wiltchkowsky, sans vous avoir montré deux choses qui sont l’œuvre exclusive de l’Impératrice et en lesquelles s’incarne sa pensée intime : l’église du rayon et le Cimetière fraternel.

L’église de Constantin et d’Hélène, ou église du rayon, est