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sainte Trinité. » Malan, à la différence des mystiques du Bourg-de-Four, reprenait dans toute leur rigueur les vieilles thèses calviniennes sur la prédestination ; et, dans le type d’église qu’il rêvait de fonder, l’autorité du pasteur, c’est-à-dire, en l’espèce, son autorité à lui, Malan, était plus stable, plus impérieuse, que ne le comportaient les principes de démocratie spirituelle qui régnaient au Bourg-de-Four.

Après avoir voulu souffler dans les chaires, l’esprit du Réveil, en 1827, voulut souffler dans les catéchismes, et derechef la Compagnie fit barrière. Gaussen, conquis par ces courans nouveaux, refusa de se servir du catéchisme officiel qui datait de la fin du XVIIIe siècle. On le convoqua, on lui demanda pourquoi. Mais ce fut son tour de questionner, et, prenant !e livre, il interrogeait ses juges : Où est la divinité du Christ ? leur demandait-il. Où est la chute ? Où est la justification par la foi ? la régénération par le Saint-Esprit ? On lui donna un mois pour réfléchir, et les deux lettres où il consigna ses réflexions disaient en substance : « J’ai la Bible, non votre catéchisme, comme livre d’enseignement, et je veux bien un catéchisme, mais celui de Calvin. Au nom de votre liberté, vous l’avez déserté ; au nom de ma liberté, je déserte le vôtre. » La presse se mêla de l’affaire ; les pères de famille prirent parti pour Gaussen, et l’ébranlement de l’opinion fut si décisif que, sous les auspices de ce pasteur, qui pour un an était chassé des séances de la Compagnie, se forma, le 24 janvier 1831, dans le sein même de l’Eglise de Genève, une Société évangélique. Après l’Eglise du Bourg-de-Four, après celle du Pré-l’Evêque, c’était le troisième groupement spontané qui surgissait sans l’aveu de la Compagnie et sous un pavillon d’orthodoxie. Mais cette fois le groupement s’installait au cœur même de l’Eglise ; et, dans les assemblées qu’il organisait, les âmes affluaient.

Entre 1819 et 1829, la Compagnie n’avait nommé que deux pasteurs orthodoxes, l’un pour l’hôpital, l’autre pour les prisons, comme si l’on voulait à l’avenir, tout en laissant à l’orthodoxie le droit de vivre, la poster, ironiquement, sur le chemin des cimetières ou la murer dans les geôles. En 1830, la Compagnie avait ouvert ses rangs au pasteur Duby, qui passait pour un théologien de stricte croyance. Mais elle ne prétendait pas, en agissant ainsi, rendre hommage à la théologie traditionnelle ; elle voulait, uniquement, affirmer son éclectisme