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février 1817, un ancien officier de marine, frotté de méthodisme, Robert Haldane, arrivait d’Angleterre ; il s’installait à l’hôtel de l’Écu et captivait un groupe d’étudians, en leur commentant l’Épitre aux Romains et en leur parlant du Christ-Dieu et de la faute originelle. Et puis le silence même des chaires fut rompu par un ministre de l’Église officielle. César Malan : violant hardiment les prohibitions de l’autorité, il prêcha sur le salut par grâce, avec une belle ostentation. Alors un pasteur philosophe qui, pendant près d’un demi-siècle encore, devait perpétuer à travers l’Église genevoise l’esprit du XVIIIe siècle, Jacques-Caton Chenevière, s’en fut voir Malan, lui fit des reproches. « J’ai parlé d’après ma conscience, » ripostait Malan. La Compagnie exigea que cette conscience redevînt muette : elle interdit toute répétition du prêche incriminé, et, le 3 mai 1817, un règlement fut rédigé, d’après lequel les pasteurs de Genève s’abstiendraient à l’avenir de donner leur opinion sur la manière dont la nature divine est unie à la personne de Jésus-Christ, sur le péché originel, sur la grâce efficiente, sur la prédestination. Silence ! Silence ! tel demeurait le programme. Au nom de l’individualisme, on avait pris la liberté d’amputer le Credo de la primitive Réforme ; pour la bonne tenue, pour la belle ordonnance de l’Église, on supprimait la liberté des consciences pastorales qui voulaient, en chaire, revenir à ce Credo. Un mauvais plaisant parodiait : « De par la vénérable Compagnie des pasteurs, défenses sont faites de parler de Jésus- Christ, soit en bien, soit en mal, » Guers et deux de ses amis refusèrent de laisser enchaîner leur verbe ; ils voulaient, eux, continuer de parler. Ils ne purent être consacrés.

Un nouveau méthodiste anglais, Drummond, était survenu, riche de foi, riche d’écus. Il les poussa et les aida à fonder une Église indépendante ; et chez lui, le 21 septembre 1817, la Cène fut distribuée par les soins de Malan. Pour la première fois depuis bientôt trois siècles, des Genevois communiaient hors de l’Église officielle. Sous les regards de cette Eglise s’essayèrent bientôt deux centres de réveil religieux : en 1819, l’Église du Bourg-de-Four s’organisa, avec Empeytaz, Ami Bost, Guers ; puis Malan, révoqué par le Consistoire comme pasteur, révoqué par la vénérable Compagnie comme régent du Collège, fonda en 1820, au Pré-l’Évêque, la Chapelle du témoignage, « posant la pierre de l’angle à la gloire de la très