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sorties, et il faut qu’elles se remplacent les unes les autres pour assurer le service domestique.

Dès le début de la guerre, les dames anglaises, pour diminuer les charges si lourdes de cette domesticité surabondante, ont essayé de réduire non pas le nombre, mais les gages de leurs domestiques. En conséquence, ces gages sont tombés très bas ; mais, par une réaction presque immédiate, cette baisse artificielle a été suivie d’une hausse non moins rapide. Le problème des munitions à produire en large quantité venait d’ouvrir des débouchés nouveaux. Un grand nombre de filles ayant une chance de voir leur salaire doublé ou même triplé, n’hésitèrent pas à se présenter aux usines où elles trouvèrent de l’emploi. Une seule chose les retenait : le danger, non pas, comme on pourrait le croire, le danger d’une explosion, mais celui de noircir leurs mains pour un temps indéfini, et ce fait n’étonnera pas ceux qui savent que leur coquetterie va jusqu’à la démence, surtout en ce qui touche leurs mains, parce que ce sont leurs mains qui les trahissent lorsqu’elles veulent se déguiser en ladies.

A mesure que les enrôlemens volontaires, qui semblent avoir continué régulièrement jusqu’à l’été dernier, faisaient des vides dans les rangs inférieurs des administrations publiques, les femmes se présentaient pour remplir les places vacantes. Je les ai vues dans différentes villes prendre en main la succession des employés mâles dans les gares et dans les tramways, partout où la force physique n’était pas absolument nécessaire. J’étais à Brighton au moment où le service des postes a été confié à un personnel, féminin et je puis attester que ce service n’a pas souffert un seul instant du changement opéré.

Les femmes des soldats recevaient une allocation hebdomadaire, suffisante à assurer leur existence, même sans qu’elles y ajoutassent aucun travail personnel et, au cas où leurs maris succombaient dans un combat ou à l’hôpital, l’allocation continuait à leur parvenir jusqu’au moment où elles se remariaient et, en ce cas, l’Etat intervenait encore, avec une sollicitude toute paternelle, et leur remettait, en guise de dot, une somme égale à deux années de pension. Du moins, on me l’a assuré, mais je n’ai pu vérifier ce point.

Sur la moyenne classe, les effets de la guerre étaient variables. Certaines industries et certains commerces souffraient