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et du commandement ; l’autre, beaucoup plus vaste encore, et qui n’est rien de moins que le problème des rapports des différentes nationalités ou des différentes races ou des cantons de différentes souches dans la Confédération helvétique.

L’article 85 de la Constitution du 29 mai 1874, en son paragraphe 4, attribue à l’Assemblée fédérale, — pouvoir législatif résidant en deux Chambres, Conseil national et Conseil des États, — « l’élection du général en chef de l’armée fédérale ; » en son paragraphe 6, il lui reconnaît le droit de prendre « les mesures pour la sûreté extérieure, ainsi que pour le maintien de l’indépendance et de la neutralité de la Suisse. » Ce serait en vertu de cet article (combiné avec les paragraphes 9, 10, 11 et 12 de l’article 102), que de pleins pouvoirs auraient été, le 3 août 1914, conférés au Conseil fédéral, sorte de Directoire, formé de sept membres, en qui s’incarne le pouvoir exécutif, ministres que préside le propre président de la Confédération, et qui sont, à ce titre, la plus haute expression du pouvoir civil. En somme, c’est au pouvoir civil, en leurs personnes, et en tant que Conseil fédéral, non pas au général en chef, non pas à l’État-major, non pas au pouvoir militaire, s’il n’est pas incorrect en droit de parler d’un « pouvoir militaire, » que ces pleins pouvoirs ont été accordés. Le premier usage que le Conseil fédéral en a fait, dès le lendemain 4 août, a été de proclamer, avec une netteté qui ne souffre aucune équivoque, ce principe de neutralité absolue : « L’impartialité la plus stricte sera observée à l’égard de tous les belligérans : on devra donc s’abstenir de tout acte favorisant l’un ou l’autre d’entre eux. » — A quoi, en dépit de la règle, l’État-major en était arrivé, on l’a vu au procès de Zurich par l’attitude des deux colonels, qu’est venu couvrir et approuver le chef de l’État-major lui-même, le colonel de Sprecher, dont certaines phrases mériteraient d’être relevées, s’il n’était plus sage et plus digne de les oublier. Encore les accusés n’avaient-ils pu être amenés jusqu’au tribunal militaire que parce que l’opinion publique irritée n’avait pas toléré qu’on les y dérobât. Il n’a pas fallu moins d’un mois. C’est le 8 décembre 1915 que le colonel Egli et le colonel de Wattenwyl avaient été dénoncés. Le 11 décembre, le général en chef avait été saisi ; il répondit en réglementant les relations entre les attachés étrangers et l’état-major. Le 20, l’affaire fut soumise à la délégation du Conseil fédéral, qui demanda des sanctions plus sévères. Le 23, le général en chef déplaça de l’état-major, en leur confiant d’autres commandemens, les officiers qu’il était contraint d’écarter. Jusqu’au 11 janvier 1916, le Conseil fédéral ignora tout. On conçoit