c’est donc bien vrai ! La nouvelle se confirme ! Et les voici qui tressaillent sur leurs lits. Leurs yeux s’animent. Et la pensée de l’œuvre à laquelle ils ont appartenu et qui se poursuit dans l’espérance et dans le sang, les arrache à eux-mêmes.
Un tout jeune soldat aux yeux bleus, aux joues délicates et blanches, la couverture ramenée jusqu’au menton, me dit qu’il a les deux jambes amputées.
— Quel âge avez-vous, mon petit ?
— Vingt ans...
Il n’a plus sa mère. Il ira chez sa sœur qui est mariée. Il ajoute avec un sourire :
— Elle me soignera bien.
Un autre, aussi jeune, aussi pâle, demande :
— Madame... J’ai les deux jambes amputées... Est-ce que vous croyez que je pourrai entrer dans l’aviation ?
Son voisin s’écrie :
-— Ah ! comme je voudrais retourner sur le front…
Et avec un accent d’indicible nostalgie, il ajoute :
— Rejoindre les camarades...
Un Parisien, l’air vif, gai, intelligent, raconte son histoire. Il a un bras amputé. On l’a opéré deux fois.
— A l’hôpital, dit-il, j’étais bien soigné... Dans le camp, naturellement, le régime était différent. La discipline était très sévère. Il y avait des punitions. Mais leurs soldats avaient les mêmes. Oui... la nourriture était mauvaise..., mauvaise.
J’écoutais ces propos. Et je me rappelai un autre soldat français, prisonnier, qui me dit :
— Ils avaient encore moins que nous... Et quelquefois ils venaient nous demander notre soupe...
— Et vous la leur donniez ?
— Aux civils... aux femmes et aux enfans... Oui. Nous avions nos colis, n’est-ce pas ?
Cette image d’un poilu prisonnier, partageant sa soupe avec de petits Allemands affamés, m’apparut tout à coup éclairée d’une merveilleuse lumière.
Et je me souviens d’un soldat de vingt ans qui, racontant son histoire, avait ajouté cette parenthèse :
— J’avais fait un prisonnier... Il neigeait... Il toussait, il était enrhumé... n’est-ce pas ? Ben... je lui ai donné mon cache-nez...