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C’est, parmi ses alliés, l’Italie que l’Allemagne a le plus ignorée et méconnue. L’Allemagne et l’Italie avaient, dans leur histoire contemporaine, une similitude, presque une parenté : toutes deux avaient trouvé leur unité dans ce principe des nationalités, à qui aujourd’hui encore l’Italie donne un nouveau témoignage de fidélité, en se rangeant du côté de ceux qui, comme elle, le respectent, mais que l’Allemagne a, de même que tant d’autres idoles, foulé aux pieds et profané. L’Italie, en se rapprochant de l’Allemagne et de l’Autriche-Hongrie, avait cru trouver dans le traité d’alliance une garantie, une sécurité de paix. L’Autriche-Hongrie ne pouvait être pour l’Italie, selon le mot du comte Nigra, récemment cité et médité, je pense, par le prince de Bülow, qu’une alliée ou une ennemie. Que l’Autriche-Hongrie ait laissé, par son aveuglement et l’égoïsme de ses propres desseins, l’alliance se transformer en inimitié, il n’y a pas lieu de s’en étonner. Mais que l’Allemagne n’ait été ni plus avisée, ni plus prévoyante, qu’elle n’ait pas compris, malgré des signes et des avertissemens réitérés, que l’Italie ne se prêterait pas à une offensive, surtout contre une nationalité menacée, cela vient de l’incurable impuissance de l’Allemagne à admettre qu’un État se sente lié par le respect de ses engagemens, par la foi aux traités, par le culte de l’honneur. L’Italie de 1914 n’oubliait pas l’Italie de 1848, de 1859, de 1866 : elle restait fidèle aux souvenirs de son affranchissement, elle ne pouvait être complice ni dupe d’attentats commis contre le principe auquel elle devait la vie. Elle est revenue tout naturellement se placer à côté de ses alliés de 1859 et des Puissances qui, avec nous, défendent, en même temps que le respect des nationalités, la liberté de l’Europe et la paix du monde.

L’Italie avait libéré son âme. La Triple Alliance, d’autre part, se rétablit et compléta son chiffre fatidique par l’accession définitive de la Turquie, associée prédestinée des Empires de proie, mais qui, comme l’Autriche-Hongrie, paraît appelée à fournir surtout un des plus gros lots du butin.


II

Vis-à-vis de la Triple Entente, soit dans son ensemble, soit dans chacun des membres qui la constituent, les erreurs psychologiques,