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ait pris de parti, il recevra du contrôleur des contributions directes un avis l’informant de la somme à laquelle l’administration évalue son revenu. S’il l’accepte, tout est dit. S’il la conteste, il peut, dans le mois qui suit la réception de l’avis, faire sa déclaration, avec cette différence qu’au lieu de son revenu global, il devra le déclarer par catégories. S’il ne la produit pas, il paiera l’impôt calculé sur le revenu fixé par l’avis du contrôleur.

Quelle est la différence de situation entre le contribuable qui a déclaré et celui qui s’est laissé taxer ? On a voulu jeter une sorte de défaveur sur le second et répandre l’opinion que ce n’était pas faire acte de bon citoyen que de ne pas prendre, en cette matière, l’initiative prévue par la loi. C’est une opinion qu’il est permis de ne pas partager : la taxation d’office est un mode parfaitement légal, organisé par la loi dans ses moindres détails et par conséquent tout aussi honorable que la déclaration. L’inconvénient de cette dernière est que, si elle est reconnue inexacte, le double droit est exigible ; et cette formalité, remarquons-le bien, frappe même l’homme de bonne foi, s’il s’est trompé involontairement de plus du dixième. Il y a là un danger considérable : certains revenus sont de nature contestable, les charges à déduire peuvent donner matière à bien des controverses ; si, après discussion, l’Administration fait triompher sa manière de voir, elle pourra accuser de dissimulation ou tout au moins frapper de l’amende des contribuables qui auront agi en toute sincérité. Il n’en est pas moins vrai que certains députés ont voulu favoriser le déclarant : des opinions en ce sens ont été exprimées au cours des travaux préparatoires, elles ne se fondent pas sur le texte de la loi.

Nous estimons qu’au point de vue moral, chacun de nous est libre de prendre le parti qu’il préfère. Il peut d’autant mieux laisser à l’Administration le soin de le taxer que la loi a pris soin de fixer la méthode qui devra être appliquée pour déterminer le revenu de celui qui a gardé le silence, et ce n’est pas une des moindres bizarreries de cette législation que de la voir organiser un impôt sur le revenu global avec des cadres préparés jadis pour un impôt cédulaire. Le législateur est ainsi ramené, par une sorte de force mystérieuse, aux signes extérieurs, à cette pierre angulaire de notre ancien et excellent code fiscal. Il prescrit au taxateur certaines règles dont il ne