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gnirent à la sienne, et bientôt dans toute l’église résonna le refrain :

Sauvez, sauvez la France ;
Ne l’abandonnez pas.

Des voix de femmes montaient près de l’autel, cependant que du fond de l’église, les mâles accens des soldats reprenaient le refrain. Les corps sur les couchettes restaient toujours sans mouvement, et plus le jour tombait, plus cette église ressemblait à un cimetière paisible à la lisière d’un champ de bataille.

Après que nous eûmes quitté Sainte-Menehould, le sentiment de la proximité du front nous devint plus obsédant encore. Chaque route que nous voyions à notre gauche semblait une artère menant au cœur de la bataille : Varennes, le Four de Paris, le Bois de la Grurie, n’étaient guère à plus de 12 à 15 kilomètres au Nord. Sur la route même, les convois d’auto-camions et les trains de munitions s’allongeaient et devenaient plus fréquens. Nous dépassâmes une longue file de « soixante-quinze » et, plus loin, nous vîmes un grand détachement d’artillerie traversant à fond de train un champ. Le mouvement de ravitaillement paraissait incessant : tous les villages que nous traversions regorgeaient de soldats chargeant ou déchargeant des camions ; d’autres étaient groupés autour des autobus d’où l’on voyait sortir, à profusion, des pains, des quartiers de bœuf et des conserves.

À mesure que nous approchions de Verdun, le bruit de la canonnade devenait plus intense. En passant sous les fers aigus de la herse, nous eûmes l’impression d’arriver dans un des derniers avant-postes d’une puissante ligne de défense. La désolation de Verdun n’était pas moins impressionnante que la fébrile activité de Châlons.

La population civile avait été évacuée dès septembre, et bien peu d’entre les habitans étaient revenus depuis. Le plupart des magasins étaient fermés, et presque toutes les troupes étant dans les tranchées, il n’y avait aucune animation dans les rues.

Avant de se mettre en quête d’un logement, le voyageur ayant montré ses papiers à la sentinelle qui garde la porte, est tenu de les faire vérifier à la citadelle, où l’autorité militaire lui délivre un permis de séjour qu’il faut ensuite faire viser par