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prudent, avisé et laborieux. Il était dans sa nature de ne pas désirer l’être et même de désirer ne l’être pas. Il y a à regretter quelque chose ; il n’y a rien à lui reprocher.

Cependant Ferdinand Brunetière, directeur de la Revue des Deux Mondes, surveillait avec intérêt les travaux de Francis Charmes. Certes, entre ces deux hommes supérieurs, les différences étaient nombreuses. Certes l’un était ardent, nerveux, inquiet, autant que l’autre était calme et égal. Certes Brunetière était belliqueux et facilement irritable, autant que Charmes était pacifique et d’une fermeté tout enveloppée de douceur. Mais Brunetière se connaissait en hommes et il savait apprécier les qualités les plus différentes des siennes. Quand la chronique politique fut vacante à la Revue des Deux Mondes, il alla tout droit à Francis Charmes et sans hésitation la lui offrit.

Francis Charmes accepta et, dans ce nouvel office, il se trouva tout à fait sur son terrain et dans son atmosphère. La chronique politique de la Revue des Deux Mondes est une histoire, quinzaine par quinzaine, de la France, de l’Europe et du monde entier. Elle exige une information très étendue et très exacte, une grande pénétration psychologique et ethnique et le don de se souvenir et le don de prévoir. Francis Charmes ne manquait d’aucune de ces qualités et possédait chacune d’elles à un degré éminent. Il était né historien et il aimait et il était propre à décrire et dépeindre un ensemble plus qu’à disserter ou discuter sur un seul point. Sa chronique était l’histoire de la France et du monde pendant quinze jours, écrite avec une précision parfaite, placée dans une lumière excellente, pleinement satisfaisante pour la curiosité à l’égard des hommes et des choses. La partie surtout qui concernait la politique extérieure était bien d’un homme qui, pendant son passage dans la diplomatie, avait beaucoup observé et beaucoup consigné dans son esprit.

Il faut savoir au surplus que la chronique de la Revue, si elle bénéficia des connaissances diplomatiques de Francis Charmes, y contribua aussi et les augmenta singulièrement. Par elle et pour elle, il entra en relations avec une foule de diplomates et d’hommes d’État européens et le champ de ses connaissances et de ses opérations intellectuelles s’élargit extrêmement. Francis Charmes, dans sa chronique de la Revue, était une sorte de ministre des Affaires étrangères consultatif