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bleu, blanc et rouge, dont les couleurs se mêlent à la flamme des feux de Bengale, remous et rumeurs de foule, vivats et chants d’hymnes nationaux ; puis, tout à coup, une fenêtre s’ouvre, et dans la nuit, une voix magnifique, d’une souplesse et d’une étendue, d’une profondeur et d’une sonorité incomparables, commence : « Citoyens de Rome !... » Che bella voce ! Bellissima ! Joie, joie, pleurs de joie ! La Rome de la rue est conquise, mais elle s’était donnée spontanément et n’était plus à conquérir.

Cependant, au monde officiel, à celui que le peuple ne touche que derrière une haie de gardes municipaux et de carabiniers, sans avoir d’autre moyen que ses cris pour lui faire parvenir l’expression de ses sentimens, étaient réservées les déclarations si impatiemment attendues au dehors, quelque brèves et discrètes qu’elles fussent. Toasts de la Consulta, du Capitole, du palais Farnèse, de la villa Borghèse, plus solennels, prononcés à de pareilles heures, en ces lieux illustrés par l’histoire et par l’art. C’est d’abord M. Sonnino, tête froide et modèle des orateurs concis, habitué à peser syllabe à syllabe ses paroles. En deux phrases, il invoque « les antiques traditions et la fraternité renouvelée des armes, la ferme confiance dans la fin victorieuse de la lutte que mènent les Alliés avec la force de leur indestructible union pour la cause de la liberté et de la justice. » C’est ensuite le maire de Rome, le prince Don Prospero Colonna : à son tour, il salue « rios frères de France qui luttent, comme nous, pour la cause du droit et de la justice ; » à son tour, également, « du haut de la colline historique qui, au cours de tant de siècles, a vu passer les plus épouvantables tempêtes et célébrer les plus splendides triomphes, » il confesse sa foi « dans l’avenir des races latines, la confiance absolue que de notre union, durant la lutte, naîtra la plus parfaite harmonie après l’immanquable victoire. " C’est enfin M. Salandra lui-même, plus « rond, « plus expansif : « Cette lutte est longue et difficile ; mais notre foi dans la victoire finale est inébranlable, parce que notre cause est juste et que les efforts des gouvernemens alliés, sagement coordonnés dans l’action politique et militaire, sont soutenus par l’enthousiasme des peuples, dont la volonté de vaincre doit briser tous les obstacles. »

Jusqu’ici le langage est resté, suivant une expression courante en Italie, un peu « générique. » A part ces quelques mots : « les efforts des gouvernemens, sagement coordonnés dans l’action politique et militaire, » on n’a guère dit que des generalia, on n’a parlé qu’in generalibus ; si le duc de Valentinois ne les aimait pas, ces généralités