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Ce n’est pas tout : l’air a un rôle essentiel dans l’opération de la nitrification qui fournit à la plante I’AZOTE, lequel est, plus que tout autre, son aliment essentiel. Deux de nos compatriotes, M. Schlœsing, à qui l’Académie d’Agriculture vient de décerner sa plus haute récompense et M. Muntz, ont l’honneur historique d’avoir montré que les matières organiques contenues dans la terre (débris de végétaux, fumier, etc.) transforment leur ammoniaque de décomposition en nitrates assimilables par les plantes sous l’influence de petits êtres vivans minuscules, de fermens dont le premier a été isolé par M. Winogradsky. Or, ces fermens nitrificateurs, qui agissent en oxydant l’ammoniaque, ne travaillent naturellement qu’autant qu’ils se trouvent dans une atmosphère oxygénée où ils puissent prélever l’élément qu’ils vont fixer sur l’ammoniaque. Une pulvérisation notable de la terre, en y faisant pénétrer partout l’air qui en baigne toutes les particules, sera donc favorable à une bonne nitrification, c’est-à-dire à une meilleure nutrition des plantes. Par surcroît, l’humidité, ainsi mieux assurée comme nous avons vu, n’est pas moins nécessaire que l’air lui-même à l’évolution de ces fermens nourriciers. Dehérain et Schlœsing, dans une remarquable expérience qui corrobore cette manière de voir, ont trouvé que la production de nitrate dans une terre triturée avait atteint 2kg,88 par mètre cube contre 0kg,025 seulement dans la même terre n’ayant pas subi cette préparation.

Dehérain a montré d’ailleurs que la proportion de substances azotées enfermées dans les sols cultivés est souvent 100 fois supérieure aux besoins des récoltes. Si néanmoins on est obligé d’incorporer à la terre des nitrates coûteux fabriqués ou importés au Chili, c’est que la nitrification naturelle se fait mal. Tout ce qui améliorera celle-ci comme fait la trituration très poussée du sol, augmentera les rendemens, tout en réduisant les frais.

Mais, dira-t-on, si abondantes que soient les substances azotées du sol, elles finiront alors par s’épuiser. Il n’en est rien, d’abord parce que la putréfaction des chaumes et les cultures dérobées suffiraient à les renouveler. Ensuite et surtout parce que ce renouvellement, — qui est souvent un enrichissement, — se fait grâce à l’azote puisé directement dans l’atmosphère par les microbes spéciaux découverts par Berthelot, et qui, par des mécanismes encore inconnus, transportent directement l’azote atmosphérique dans la substance même des plantes.