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ONZE MOIS DE CAPTIVITÉ
EN ALLEMAGNE

SOUVENIRS D’UN AMBULANCIER

II [1]
LES RIGUEURS DU COLONEL

Novembre-Décembre. — On trouve sur eux tout un bric-à-brac hétéroclite d’objets les plus divers. Ces découvertes et l’irritation qui en résulta chez nos geôliers entraînèrent pour nous les plus désastreuses conséquences. La haine du colonel s’en exaspéra davantage et se traduisit par un redoublement de cruauté.

Nous fûmes, plusieurs mois durant, jusqu’à l’heure où les efforts du Comité Suisse de la Croix-Rouge, s’exerçant en haut lieu, aboutirent à nous procurer un adoucissement de sort, traités comme le rebut des bagnes, non pas en prisonniers de guerre qui ont droit à l’estime et à la pitié.

Désormais, nous perdîmes jusqu’à notre état civil pour devenir, comme les forçats, de simples numéros. On nous barbouilla sur la poitrine un chiffre à la peinture rouge, répété sur une plaque à notre képi. Puis, le colonel inventa de séparer les Français, de les mélanger aux Russes par petits paquets. Cette promiscuité nous devint rapidement intolérable parmi ces pauvres gens malpropres et grossiers. Il défendit aussi de fumer,

  1. Voyez la Revue du 15 février.