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trompé, du moins ce n’est pas de la même façon. L’influence a passé à d’autres maîtres, à Emmanuel de Seidl et à Hermann Muthesius, notamment. Ils ont fait triompher le massif, le sobre et le sévère. Dorénavant, l’architecte allemand ne cherche plus à tirer une salle de bains des profondeurs de sa propre conscience, ni à extérioriser son état d’âme dans un vestibule. Il revient au solide et au traditionnel. Il se remet aux styles anciens, qui ont ceci de bon qu’ils ont été expérimentés et soumis à la contre-épreuve des siècles et ont prouvé leur vitalité en vivant. La route qu’il suit désormais est meilleure et si elle ne l’a mené à aucun chef-d’œuvre, elle ne l’a pas conduit à des abîmes de mauvais goût.

Comme aspect, c’est, au premier abord, bizarre. Cela commence comme un temple grec et cela finit comme une maison de Nuremberg. Un grand capuchon de tuiles sur des colonnes doriques, basses et trapues, le vieux pignon national couronnant la maison gréco-romaine, — telle est l’impression d’ensemble. A considérer le détail, on s’aperçoit que cette maison antique ne ressemble, en rien, à la véritable demeure des anciens, que ce toit gothique se relève par des ondulations et des renflemens, sans une seule coupure nette du profil, jusqu’au moment où il jaillit en pignon, et que tout cela est une combinaison de vieux et de neuf. Puis on s’étonne de la couleur noire et blanche sur les grands plans, avec de petites décorations d’un rouge vif de géranium. On remarque les fenêtres, larges et basses, quadrillées de carreaux blancs, tendues de rideaux roses, gris et noirs. C’est une architecture de deuil, avec, çà et là, des roses.

L’intérieur est aussi surprenant. Il n’est pas rare d’y trouver un plafond blanc Louis XV, soutenu par des piliers de la Susiane en briques vernissées, vert et lie-de-vin ; un boudoir sombre et carré, alternant avec une salle d’étude ovale décorée dans le goût de Sans-Souci ; un€ chambre à coucher sépulcrale meublée comme une cour d’Assises, une salle à manger plaquée de céramiques diverses, avec un aspect de damier gigantesque et de jeu de dominos, où les verres, pleins de vins du Rhin, montent et éclosent comme des fleurs. Nul souvenir de la ligne torse et retorse qu’on appelle le grand « vermicelle belge, » ni du « modern-style » français, lequel empruntait presque toutes ses formes au monde sous-marin. Quand, par hasard, ce n’est pas