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d’autres plafonds, se chauffer à d’autres foyers, moins modernes, mais plus pratiques, montrant ainsi qu’ils étaient capables de toutes les gageures, hors d’habiter la maison qu’ils avaient bâtie.

La première tentative d’art nouveau, en Allemagne, était donc un échec. Croyez-vous qu’on s’en tint là ? Pas du tout. « Les moulins allemands tournent lentement, mais ils tournent toujours. » On se remit à l’œuvre, sur de nouveaux frais. Un peu partout, à Berlin, à Munich, à Dresde, on travailla. A Weimar, notamment, la grande-duchesse s’était mis en tête de renouveler, dans une certaine mesure, la tentative de Darmstadt sans tomber dans ses erreurs, et ce fut un Belge, Henry van de Velde, qui prit la direction du mouvement nouveau. Il fut rapidement entouré de disciples ; les plus audacieuses tentatives furent envisagées, spécialement pour renouveler le meuble ; les plus hauts problèmes d’esthétique abordés. Quelques-uns prétendirent que « les jours de Gœthe étaient revenus... » D’autres, plus prudens, prirent le paquebot pour l’Angleterre, soupçonnant que le meuble anglais, solide sans être massif, clair, simple, pratique, exactement adapté aux exiguïtés de nos demeures et aux exigences de la vie moderne, était peut-être plus facile à démarquer qu’à surpasser. Ce qu’il advint de tous ces efforts, on le vit à l’Exposition de Bruxelles, en 1910, et l’on fut édifié.

Reprenons, par le souvenir, le chemin de cette Exposition, telle qu’elle apparaissait à la lisière du Bois de la Cambre, avant que l’incendie en eût détruit nombre de palais. Dépassons les pavillons anglais et français et arrêtons-nous sur le plateau où se tient l’Allemagne. De fort loin, on l’aperçoit, tout entière, concentrée dans une cité bâtie par elle-même, comme un Etat dans l’Etat, annonçant son omnipotence par un aspect rogue et cossu. Il y a un abîme entre les prétentions architecturales du modern style, à Darmstadt en 1901, ou de Turin en 1902, et celles de Bruxelles en 1910. L’Allemagne s’est très assagie. On voit, tout de suite, qu’on y a beaucoup travaillé et qu’on a renié, sans vergogne, la plupart des principes affichés avec hauteur, dix ans auparavant. « Rien des styles anciens ! » telle est la théorie, en 1901, à Darmstadt. Tous les styles anciens mélangés selon de nouvelles formules : telle est, à Bruxelles en 1910, la pratique. On s’est retourné complètement, et, si l’on s’est