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lait le conseil de l’amiral fut ainsi notre premier tribunal des prises. Ses membres étaient nommés au début de chaque guerre, pour la durée de celle-ci. Il eut parfois à résister aux empiétemens des Parlemens, et il en triompha. Des lettres patentes, données à Toulouse le 20 décembre 1659, régularisèrent son institution. Le règlement du 9 mars 1695 le reconstitua. Vers 1695, fut créé auprès de lui un poste de procureur général. Les appels contre ses décisions étaient portés au Conseil d’État du Roi ; ce dernier était, à vrai dire, le nom collectif désignant plusieurs conseils ; c’est le conseil des finances qui statuait sur les prises. Cette organisation dura jusqu’à la fin de l’ancien régime. La guerre de l’indépendance américaine lui donna une dernière occasion de fonctionner. Elle n’avait pas été sans éclat : on y avait vu siéger au Conseil des prises, et Colbert, et d’Aguesseau.

La Révolution française vint, en cette matière, modifier profondément les compétences. Le Conseil d’État du Roi disparut, et avec lui le Conseil des prises. Pour remplacer ce dernier, on partit des idées suivantes : les corsaires sont des armateurs ; les navires et les marchandises qu’ils saisissent appartenaient à des particuliers ; capteurs et capturés sont donc les uns et les autres, d’ordinaire, des négocians ; la compétence, sur leurs litiges, doit dès lors revenir aux tribunaux de commerce. C’est pourquoi la Convention, par loi du 14 février 1193, attribua à ces tribunaux la connaissance des prises maritimes. Ce régime dura quelques années. Sans doute, la Convention elle-même songea un moment à transporter le droit de juger les prises au Comité de Salut public. Mais il avait autre chose à faire, et le Directoire maintint la compétence des tribunaux de commerce. Cela présentait deux inconvéniens. D’une part, ces juridictions étaient nombreuses et animées d’esprits assez variés : il n’y avait donc point entre elles unité de jurisprudence. D’autre part, si elles possédaient le droit commercial, elles étaient peu au fait du droit public et du droit international : leurs décisions à l’égard de navires neutres soulevèrent plus d’une fois des réclamations des gouvernemens étrangers dont le nôtre fut saisi. Cet état de choses ne pouvait guère durer. Quand, en France, le pouvoir central reprit vigueur, il remit la main sur la juridiction des prises. Ce fut l’œuvre du Consulat.