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méthodique, le bombardement successif des ouvrages, tel qu’on l’avait essayé le 18 mars, avait des chances de succès, si cette opération était entreprise en connexion étroite avec l’action d’une force armée prenant à revers les forts et batteries du détroit. Encore exprimais-je le vif regret que l’attaque combinée ne se fût pas produite dès le début de novembre, alors que la défense du côté de terre n’existait pour ainsi dire pas.

Quoi qu’il en soit, les troupes alliées ne débarquèrent que le 25 avril.

Mais il semblait qu’une Fortune ironique se plût à faire commettre successivement aux assaillans toutes les fautes possibles. Outre que les forces de terre mises en jeu étaient manifestement insuffisantes, ce qui révélait de la part des gouvernemens intéressés une surprenante ignorance, le point d’application de ces forces, — peut-être, à la vérité, et tout justement parce qu’elles étaient insuffisantes, car les fautes s’enchaînent,.. — était choisi d’une manière opposée à tout ce que pouvait indiquer le raisonnement militaire le plus simple. Je m’excuse de rappeler encore les indications que je donnais discrètement en faveur du choix de l’isthme de Boulaïr, et aussi celles qu’il y a trois ans (n° du 1er janvier 1913 : « Ce qu’on peut faire avec une marine ») je fournissais pour inciter les Grecs à opérer leur descente juste derrière les ouvrages des « Narrows, » c’est-à-dire dans la baie de Suvla, et non à l’extrême pointe de la presqu’île. Tant y a que l’opération combinée a virtuellement échoué, comme le bombardement méthodique effectué par les flottes seules. Cela bien constaté, était-il possible, il y a quelques jours encore, de recourir à la méthode du foreément de la passe de Tchanak-Nagara, défendue assurément par tous les moyens qu’une connaissance parfaite de l’art de la guerre et des circonstances particulières de l’opération met entre les mains des Germano-Ottomans ?

Oui ; j’en ai toujours été et j’en demeure convaincu. Encore une fois, qu’on ne me demande pas de donner ici mes argumens, d’indiquer les moyens d’action que je proposerais. Il suffit qu’il existe encore une chance sur mille pour qu’on se décide à cette entreprise hardie, dont les résultats seraient décisifs, car Constantinople est « indéfendable, » quoi qu’on fasse, comme toute capitale en façade sur la mer ; il suffit, dis-je, que je n’aie pas le droit de « désespérer » qu’on y vienne,