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à Mostar, chef-lieu de l’Herzégovine ; il rattache à l’Austro-Hongrie la côte dalmate, où l’on ne parle que le slave et l’italien. Par-delà son terminus méridional, il vise les « bouches de Cattaro, » sorte de Brest de l’Adriatique, puis la bourgade maîtresse du Monténégro, Cettigné, puis Scutari, puis l’Albanie, Monastir, Salonique. C’est une ligne du Drang nach Osten, coudée à angle droit, entre la Save et la Dalmatie du Sud, pour prévenir une réunion indépendante de tous les Yougo-Slaves. L’Autriche en projette aussi la jonction avec Mitrovitsa.

Les Slaves, les Latins également menacés par ces progrès, s’aviseront-ils enfin de leur opposer des barrières ? Sans doute n’ont-ils pas compris le danger, puisqu’en 1908-1909 ils laissent l’Autriche franchir paisiblement une étape nouvelle par l’annexion pure et simple de la Bosnie-Herzégovine. Jusque-là, des études isolées, sans plan d’ensemble, avaient porté sur quelques sections d’une voie perpendiculaire à l’axe Vienne-Salonique, c’est-à-dire d’un chemin de fer Danube-Adriatique. En 1890, des ingénieurs français visitèrent à cet effet les ports de l’Albanie ; des demandes de concessions, très diverses, devaient être adressées au gouvernement turc, routes et chemins de fer en Albanie, assainissement de la plaine côtière du fleuve Boïana, au Sud de Scutari, dessèchement partiel ou régularisation du lac fameux que domine cette ville ; parmi les directeurs de ces travaux préliminaires, quelques-uns avaient été employés aux chemins de fer de l’Etat serbe, de sorte que l’idée d’un raccord, de ce côté, leur parut naturelle ; mais les études dévièrent vers le Sud. Une liaison avec la plaine de Monastir fut reconnue possible, sans difficultés techniques insurmontables, au départ de Durazzo ou, mieux encore, de Vallona ; les prospecteurs furent accueillis par une population sympathique, pasteurs de races mélangées qui presque tous parlent ou du moins comprennent le grec. Ces projets n’eurent pas de suite, et d’ailleurs ne s’appliquaient pas exactement au Danube-Adriatique ; peut-être inspirèrent-ils la décision des Allemands, qui construisirent peu après la ligne Salonique à Monastir.

Dans le courant de 1908, des groupes français, italiens et russes reprirent l’idée d’une jonction latino-slave par voie ferrée, à travers la péninsule des Balkans. Une société, approuvée par les gouvernement intéressés, fut constituée et