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Romains avaient construit la Via Egnalia, entre la côte de l’actuelle Albanie et le golfe de Salonique.


D’après cette dernière indication, il est aisé de conclure quelle est, pour des ingénieurs modernes, la difficulté spécifique de la traversée de la péninsule balkanique ; moindre selon la direction que nous avons appelée axiale, elle est plus grande sur les tracés perpendiculaires. Le problème à résoudre est la soudure pratique de compartimens que la nature semble avoir fabriqués pour qu’ils demeurent séparés les uns des autres. Cette hostilité du sol fut encore aggravée par l’émiettement des groupes humains que l’histoire a brassés, au cours des siècles, sur cette terre angulaire entre la Scythie et la Méditerranée, entre l’Europe et l’Asie. La conquête romaine avait tourné, plutôt que pénétré la péninsule des Balkans ; elle s’affermit surtout sur les côtes, par des ports-entrepôts et, sous l’empire, par des colonies orientales, destinées à endiguer des invasions slaves : de là les origines occidentales et le nom des Roumains d’aujourd’hui. Quand l’Orient se fut séparé de l’Occident, les empereurs de Byzance appelèrent, au contraire, des Slaves pour couvrir leurs frontières du Nord ; alors arrivèrent, au VIe siècle de l’ère chrétienne, les premiers Serbes des Balkans. Les Bulgares sont une race d’envahisseurs, apparentés aux II uns, qui finirent par se fixer sur le sol longtemps ensanglanté par leurs cruautés. Tous ces peuples, du Xe au XIIe siècle, embrassèrent la religion orthodoxe, celle de l’empire grec ; mais, malgré cette communauté de croyance, ils vécurent au milieu de guerres endémiques, mêlés dans les districts limites en des fouillis dont le mot Macédoine, devenu nom commun, a fini par évoquer l’idée.

La montée des Turcs par l’Asie Mineure vient ensuite accroître cette confusion ; elle attire la riposte occidentale des croisades, dont les plus populaires suivent à petites étapes les routes de terre, tandis que celles des princes, pèlerinages de guerre, préfèrent la voie de mer ; il en demeure, même après que les Turcs ont pris pied en Europe, une frange de comptoirs vénitiens tout autour de l’ancienne Hellade. Mais les Turcs ne se sont pas arrêtés au bord de la Méditerranée ; plus d’un siècle avant la prise de Constantinople, ils envoient des armées dans la péninsule, à la conquête de l’Occident. Des batailles épiques les mettent alors aux prises avec les Slaves des Balkans ; les