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faire une telle communication. Il ajoutait que les autorités militaires conseillaient le voyage par chemin de fer, parce que le voyage en automobile m’exposerait « à être arrêté trop souvent pour des motifs de contrôle. » La lettre que M. Eyschen avait reçue du ministre d’Allemagne portait que le général commandant me priait « d’organiser » mon départ de telle façon que, dans les vingt-quatre heures, je pusse « entrer en relation personnelle à Coblence avec le général de Ploetz » au sujet de mon voyage ultérieur[1].

On comprendra que, dans les termes où elle était formulées cette « invitation » me parut tenir trop peu compte des égards et immunités dont un représentant diplomatique peut se réclamer. Non seulement le temps qui m’était accordé pour mes préparatifs de départ était restreint, car je devais quitter Luxembourg le lendemain à cinq heures du matin, mais on me traçait un itinéraire qui me faisait passer par l’Allemagne, sans me garantir que je n’y serais pas retenu. Aucune promesse ne m’était faite quant à l’inviolabilité de mes bagages et des papiers que je tenais à emporter.

Dans la réponse par laquelle j’accusais à M. Eyschen réception de sa communication, après avoir déclaré que je m’inclinais « devant un désir qui n’était que l’expression de la force, » j’ajoutais : « La lettre de Votre Excellence me dit que les autorités militaires conseillent le voyage par chemin de fer plutôt que par automobile. Je me conforme à cette suggestion et suis prêt à quitter Luxembourg demain, à l’heure qui me sera indiquée, et à prendre par train la direction de Coblence, à la condition toutefois que, dans cette ville, je sois autorisé à regagner immédiatement la Belgique par telle voie qui semblera possible et que les immunités diplomatiques me soient garanties tant que je me trouverai sur le territoire de l’Empire[2]. »

Ayant revu M. von Buch, M. Eyschen revint me dire que l’officier supérieur commandant actuellement à Luxembourg ne pouvait prendre d’engagement que pour le trajet de Luxembourg à Coblence et que, dans cette dernière ville, il appartiendrait au général von Ploetz de me renseigner sur ce que j’avais à faire. Une telle réponse me paraissant trop vague pour m’en

  1. 1er Livre Gris belge, n° 66.
  2. 2e Livre Gris, n° 41.