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développement industriel ? Sera-ce l’empire du Mikado, installé sur le continent asiatique, et faisant marcher l’immense Chine tout entière à sa voix ? Grave question qui embrasse toutes les autres et révèle un antagonisme latent.

Aussi, ces temps derniers, lorsque l’attitude du Japon dans la question chinoise se précisa, des navires de guerre américains furent-ils envoyés pour montrer leurs pavillons du côté de Changhai, et on annonça un vaste programme de constructions navales militaires par les États-Unis.

Pour le présent, cette attitude de la grande République ne paraît pas beaucoup troubler le Japon dans le développement de sa politique en Chine. Visiblement, le pacifisme si marqué des États-Unis dans leurs discussions avec l’insolente Allemagne a fait une profonde impression sur les Japonais. Ces observateurs sagaces semblent croire maintenant que le jour où quelque opposition se manifesterait d’une façon aiguë entre eux et les citoyens des États-Unis, ceux-ci, attachés avant tout à la paix, ne sortiraient pas des discussions juridiques, et que dès lors, le Japon, ne redoutant pas de jeter dans la balance le poids de son épée, conclurait nécessairement la controverse à son avantage.

Peut-être se trompe-t-il en cela ? Dans tous les cas, l’opposition entre les deux peuples oblige la Grande-Bretagne et la France, alliées ou amies des deux antagonistes, à la plus grande circonspection, à la plus grande prudence, lorsqu’elles se trouvent en face de propositions, ayant pour but de stabiliser les avantages déjà obtenus en Chine par le Japon et de les compléter, en réalisant peut-être d’un seul coup son rêve d’hégémonie. Aussi, ne faut-il pas s’étonner de l’hésitation des hommes d’État chargés de solutionner un aussi délicat problème, et de la suspension, qui paraît maintenant devoir être durable, des projets d’un concours militaire japonais sur les champs de bataille de l’Europe.


L’hostilité des États-Unis à toute mainmise par le Japon, sur la direction des affaires chinoises, nous remet en face du nœud de la question d’Extrême-Orient qui est le problème chinois lui-même. C’est à celui-ci qu’on devra trouver une solution juste, si l’on ne veut être exposé à en faire, après la guerre, un nœud gordien devant être tranché par l’épée.