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Le chroniqueur contemporain qui en a parlé le plus longuement est le célèbre anonyme dit le Religieux de Saint-Denys, auteur de la Chronique de ce nom. « Le conseil du Roi, dit celui-ci, avait pris toutes les dispositions pour que l’entrée à Paris du souverain grec et de son escorte se fit avec la plus grande magnificence, la plus royale solennité, avec toute la pompe que commandait l’honneur de la France. »

L’empereur, venant probablement de Melun, arriva le 3 juin 1400, vers neuf heures du matin au pont de Charenton, bourg situé à deux petites lieues de Paris, au confluent de la Seine et de la Marne. Il y fut salué par une magnifique procession de plus de deux mille bourgeois parisiens à cheval accourus à sa rencontre, rangés dans le plus bel ordre des deux côtés de la route. La foule des curieux attirés par ce spectacle extraordinaire devait être immense en ce point comme sur tout le reste du si long parcours. Toute la population de Paris, secouée par la plus intense curiosité, était descendue dans la rue. Après s’être avancé encore de la portée d’une flèche, l’empereur trouva le chancelier du royaume, probablement Arnaud de Corbie, et derrière celui-ci les présidens et toutes les Chambres du Parlement en grand costume, suivis de plus de cinq cents personnes de leur suite. Le chancelier, tous les conseillers, tous les officiers défilèrent respectueusement devant l’empereur en le saluant profondément. Poursuivant sa route, Manuel rencontra successivement dans leurs robes rouges les cardinaux Pierre de Thurey, Amédée de Saluces, évêque de Valence, et leur collègue d’Aix, qui se trouvaient actuellement à Paris, eux aussi à cheval. Nouveaux complimens, nouvelles politesses échangées. Enfin, un peu plus loin, l’illustre voyageur aperçut le jeune roi Charles VI, pour l’instant remis de son dernier accès de démence. Dans le somptueux accoutrement des Lis, Charles s’avançait à la rencontre de son hôte, entouré des autres princes du sang, ses oncles, « d’une multitude de ducs, de comtes, de barons, de toute l’immense et brillante noblesse française, réunie à cette heure à Paris dans ses plus beaux atours. » Ce fut en ce jour de printemps le plus merveilleux spectacle. La noble physionomie de l’empereur faisait l’admiration et attirait la sympathie de tous. D’innombrables musiciens sonnaient des trompettes et toutes sortes d’instrumens. La foule populaire infinie applaudissait frénétiquement.