Page:Revue des Deux Mondes - 1915 - tome 30.djvu/73

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

trompeuses, le tout sans que l’on sente une autorité assez désireuse ou assez maîtresse de remettre à sa place ce qui s’en écarte vraiment par trop. C’est à cette autorité qu’en appelait M. Bérenger.

La première ou plutôt la plus importante des interventions qu’il lui demanda était relative à ce qu’on a nommé la traite des blanches. Il est sans doute superflu d’expliquer aujourd’hui comment les nations les plus désireuses de combattre le mal étaient désarmées devant les roueries des trafiquans : les méfaits se composaient d’actes accomplis dans des pays divers, aux législations diverses, de telle sorte que chacun de ces actes était, devant la justice, forcément isolé de ceux qui avaient précédé et qui suivaient. C’était cependant cet enchaînement voulu qui faisait le caractère criminel de chacun d’eux. Un Russe offrait à une jeune fille une place qu’il disait libre et très honorable à New-York ou à Buenos-Ayres. Il l’adressait à un correspondant de Buda-Pesth qui était censé lui faciliter simplement un voyage dont le but était toujours caché : d’agent d’émigration en agent d’émigration, la victime arrivait là où elle était attendue ; toutes les précautions étaient prises pour qu’on la présentât comme seule responsable de la destinée que l’ignorance, l’abandon, la misère et les mensonges de tant d’intermédiaires lui avaient rendue à peu près inévitable. Comment à cette criminalité internationale il fallait opposer une police, une législation, une procédure et une pénalité internationales, et comment M. Bérenger fut un des plus actifs parmi ceux qui s’y employèrent, tout cela est d’hier et par conséquent bien connu. Les débats des congrès de Paris, de Londres, de Madrid, les votes simultanés des Parlemens qui permirent de reformer la chaîne de ces anneaux séparés en apparence seulement les uns des autres et à punir la traite en quelque endroit qu’elle se révélât par une complicité locale et partielle, nous montrent partout la main et nous font entendre la parole de notre compatriote. Les applications nouvelles que peut recevoir dans la suite cette idée féconde de la lutte internationale contre le crime et les conséquences qu’il est souhaitable qu’on en puisse tirer ne laisseront jamais oublier le rôle qu’il a joué là.

Chez nous comme ailleurs, beaucoup se sont efforcés d’élargir l’idée qu’on doit se faire, suivant eux, de la