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donner le nouveau ministère, sont bien faites pour nous montrer le chemin parcouru depuis nos désastres de 1870. Grâce à eux, « c’est par la science que nous serons victorieux, » si j’ose transposer le mot de Sainte-Claire Deville. Elle sera un des élémens de triomphe comme elle l’a été déjà à une époque si semblable à la nôtre à tant d’égards, et riche d’espoirs comme elle, sous la Révolution.

Déjà les Arago et les J.-B. Dumas l’avaient remarqué : si, en 1792, la France put faire face à ce que Sa Majesté Guillaume II appelle « un monde d’ennemis, » si elle les battit glorieusement, c’est qu’elle fit appel au cerveau de tous ses savans ; c’est que Lavoisier, Guyton de Morveau, Berthollet, donnèrent de nouveaux, moyens d’extraire le salpêtre et de fabriquer la poudre ; c’est que Monge trouva l’art de fondre rapidement les canons ; c’est que le chimiste Clouet rénova la métallurgie des armes blanches. Il n’est pas jusqu’au ballon captif qui, grâce au physicien Charles, et à la suite de la découverte de Montgolfîer, a jailli alors du cerveau national, comme un nouvel instrument de combat qui contribua à la victoire de Fleuras. Si le général Meusnier avait eu alors un moteur suffisant, le dirigeable dont il avait conçu et calculé toutes les caractéristiques eût apparu cent ans plus tôt.

Comme il faut à tout tableau ses ombres, les savans de la Révolution connurent aussi les persécutions : c’est Lavoisier guillotiné sur la dénonciation de Marat. Le grand mathématicien Lagrange disait le lendemain : « Il ne leur a fallu qu’un moment pour faire tomber cette tête, et cent années peut-être ne suffiront pas pour en produire une semblable. » C’est qu’un bon cerveau vaut autant que des milliers de baïonnettes pour bouter dehors l’ennemi, aujourd’hui même beaucoup plus qu’alors, car la science a grandi depuis. Si Danton revenait parmi nous, son cri fameux deviendrait celui-ci : « Pour vaincre les ennemis de la Patrie, que faut-il ? De la science, encore de la science, toujours de la science, et la France est sauvée ! »

Et comme pour montrer que le plus âpre patriotisme se marie harmonieusement à la sereine ataraxie de l’homme de laboratoire, à Berthollet qui lui disait : « Dans huit jours, nous serons arrêtés, jugés, condamnés et exécutés, » Monge répondait en souriant : « Tout ce que je sais, c’est que mes fabriques de canons marchent à merveille. »

Comment tous les modestes soldats de la science française ne brûleraient-ils pas de marcher sur la trace de ces ancêtres dont la pure grandeur ne peut être évoquée sans faire palpiter nos cœurs d’enthousiasme !

Il est un homme qui a admirablement compris dès l’abord, et