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À ces titres d’honneur, d’autres, plus récens et plus douloureux, s’ajoutent. En 1870-1871, les épreuves de la guerre, de la guerre étrangère et de l’autre, n’épargnèrent point le séminaire d’Issy. Dans un coin retiré du parc, un piédestal formé d’obus amoncelés porte une statue de la Vierge. Sous le vocable de Notre-Dame des bombes, elle atteste encore aujourd’hui la gravité du péril et le miracle du salut. Mais, hélas ! tout alors ne fut point sauvé, ni tout le monde. Sur la liste des otages et des victimes de la Commune, figure plus d’un nom sulpicien. La crypte de la chapelle enferme de vénérables témoignages. On y a transporté pieusement et reconstitué morceau par morceau, pierre par pierre, les cellules des martyrs de la Roquette, ainsi qu’un fragment du mur contre lequel ils sont tombés. Pour de telles reliques, on a bien choisi le reliquaire.

Tout ici, l’aspect des lieux autant que leur histoire, s’accorde pour nous donner l’impression et comme le goût de notre pays. Bâtimens d’autrefois, épars dans la verdure, perspective des allées, horizons du haut des terrasses, ce nous fut une joie, dès le premier jour, de trouver un air si purement français à l’asile où seraient soignés les soldats de France. « Je passais, » écrit encore Renan, « je passais des heures sous ces longues allées de charmes, assis sur un banc de pierre et lisant. C’est là que j’ai pris (avec bien des rhumatismes peut-être) un goût extrême de notre nature humide, automnale, du Nord de la France… Mon premier idéal est une froide charmille janséniste du XVIIe siècle, en octobre, avec l’impression vive de l’air et l’odeur pénétrante des feuilles tombées. Je ne vois jamais une vieille maison française de Seine-et-Oise et de Seine-et-Marne, avec son jardin aux palissades taillées, sans que mon imagination me représente les livres austères qu’on a lus jadis sous ces allées. Malheur à qui n’a pas senti ces mélancolies. »

A notre tour, nous avons senti les mélancolies de ces lieux. Mais nous en avons, plus profondément, éprouvé les douceurs et les puissances, ou les vertus. Jamais, il vous en souvient, jamais l’été n’avait eu plus de splendeur. Jamais, plus sombre pour nos âmes, notre ciel d’août n’avait été, pour nos yeux, plus éclatant. Chaque jour, de l’aube jusqu’au soir, une égale et constante lumière étendait sur l’hôpital encore vide et sur les jardins silencieux, l’enchantement, — et le mensonge, hélas ! — d’une inaltérable paix. Les « vieilles maisons françaises, »