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ne put être tel qu’on l’eût souhaité. Les chefs étaient peu maîtres de leur choix ; l’homme honnête, modeste, instruit, n’étant pas toujours celui qu’il fût possible d’employer.

« De là des actes que l’on pourrait qualifier de délits, » avoue le Comité de la Convention ! Effrayée autant qu’irritée par son impuissance, l’Assemblée s’était demandé s’il ne fallait pas poursuivre les prétendus accapareurs en les forçant à tirer de leurs magasins les denrées qu’ils y avaient entassées. Dès le 27 juillet 1793, une loi contre les accaparemens est votée.

Voici le texte de son premier article :

« L’accaparement est un crime capital.

« Sont déclarés coupables d’accaparement ceux qui dérobent à la circulation des marchandises ou denrées de première nécessité qu’ils achètent et tiennent enfermées dans un lieu quelconque sans les mettre en vente journellement et publiquement. » Tous les marchands sont obligés de faire une déclaration à la municipalité, et de vendre par petits lots… sous peine de mort. « Les prix doivent être ceux que révèlent les factures d’achat, avec un bénéfice commercial, si cela est possible, et dans le cas contraire, le prix fixé sera le prix courant ! »

Est-il besoin de le dire ? les conséquences de ces mesures furent aussi déplorables que leur application fut arbitraire. Ici encore nous pouvons citer un aveu du Comité d’approvisionnement de la Convention. Giraud, son rapporteur, fait, à ce propos, des révélations édifiantes :

« Les Comités révolutionnaires, dit-il, se constituèrent juges sans appel de l’application de cette loi. Le premier intrigant venu clabaudait à la tribune d’une société populaire contre les marchands, les boutiquiers, et les faisait incarcérer. Ceux qui n’étaient pas encore pris, se hâtaient, en vendant leurs marchandises, d’éviter la terrible accusation d’accaparement, et pour éviter qu’elle pesât sur eux, ils se gardèrent bien de remplacer les marchandises vendues. Les particuliers mêmes, dont le ménage était considérable, renoncèrent à des approvisionnemens qu’ils étaient habitués à faire ; ils vécurent au jour le jour, et augmentèrent le nombre des consommateurs journaliers, ce qui donna une cause de plus au surhaussement des prix. »

Les résultats détestables produits par l’ingérence de l’Etat et