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LES PÉTITIONS. LA PRESSION DE L’OPINION PUBLIQUE. LE RÉGIME DE LA TERREUR

La Constituante et la Législative avaient été déjà sollicitées d’employer la violence, de fixer les prix, de poursuivre partout les accapareurs, et de multiplier les réquisitions. Le nombre des pétitions devenait plus grand, à mesure que le désordre était plus général, à mesure que la sécurité des commerçans devenait aussi plus précaire, et ces pétitions avaient pour objet de recommander ou d’exiger, sans retard, l’intervention du législateur.

La dépréciation rapide des assignats exagérait la valeur nominale des subsistances et paraissait justifier une mesure de salut public telle que la taxation. Cette élévation inexpliquée, et en apparence inexplicable des cours, était attribuée aux accaparemens ou à l’avarice des agriculteurs. Hésiter à intervenir, à taxer, à frapper les marchands qui affamaient le peuple, n’était-ce pas trahir les intérêts de la démocratie ? C’est ce que le public se demandait, et la pression de l’opinion se faisait sentir chaque jour avec plus de force.

La Convention fut en butte aux mêmes sollicitations. Lorsqu’elle eut reconnu ses erreurs, cette Assemblée les attribua précisément aux violences morales qu’elle avait subies.

« Il fut un temps, disait Cambon, où nous étions très heureux lorsqu’on pouvait arrêter des motions désorganisatrices.

« Ces motions ne sont pas nées dans le sein de la Convention ; elles ont été provoquées par des pétitions. »

Plaintes, sophismes, dénonciations, menaces, tout était employé pour forcer la volonté de l’Assemblée. Les opinions les plus violentes étaient exprimées avec audace par les conventionnels, qui en prévoyaient le succès et voulaient en faire l’instrument de leur fortune politique. La taxation des subsistances devint l’objet des discussions les plus passionnées.

Désormais, ce n’est pas seulement le négociant qui est attaqué et flétri, sous le nom de monopoleur. L’agriculteur lui-même est dénoncé.

« Assemblée Constituante, s’écriait Beffroy, pourquoi tant de riches cultivateurs siégeaient-ils dans ton sein ?… Avec le désir d’encourager l’agriculture, cette Assemblée mit dans les mains des grands cultivateurs les moyens de tout engloutir.