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sont donc pas nouveaux, et l’on peut dire, une fois de plus, que l’histoire est une galerie de tableaux où l’on trouve peu d’originaux et beaucoup de copies.

Pour apprécier les copies, il convient de savoir ce qu’ont valu les originaux. Nous allons parler de la crise des subsistances sous la Révolution, des mesures prises pour la conjurer, des interventions incessantes autant qu’arbitraires de l’Etat, et des résultats qu’elles ont entraînés.

Il s’agit bien d’une expérience faite et non pas d’une hypothèse dont on pourrait contester la valeur. Nous possédons même, à cet égard, des documens probans d’une inestimable valeur : il s’agit de l’opinion même exprimée par les hommes qui avaient inauguré le système des taxations, des recensemens, des monopoles d’État, et des poursuites implacables contre les accapareurs. La Convention nationale a porté un jugement sur les mesures révolutionnaires qu’elle avait prises et sur les conséquences détestables de ses erreurs.

Ces faits appartiennent à l’histoire ; nous avons le droit de les rappeler et d’en tirer les leçons qu’ils comportent.


LES INTERVENTIONS DE L’ÉTAT A LA VEILLE DE LA RÉVOLUTION

Nous verrons bientôt que la Convention nationale multiplia les interventions arbitraires de l’Etat à propos du commerce des subsistances, mais, il est juste de le reconnaître, le pouvoir royal n’avait pas hésité à prendre des mesures analogues, et, dans bien des cas, l’opinion publique les réclamait. Partout, au même moment, les négocians, les marchands de blé notamment, étaient l’objet des attaques les plus violentes ou les plus criminelles.

Dès le mois de novembre 1788, Necker faisait rendre un arrêt du Conseil qui jetait publiquement la défaveur sur les marchands de grains et défendait de vendre ailleurs que sur les marchés. Ce règlement fut le signal d’un trouble général. Le 18 décembre de la même année, le Parlement de Paris rendait un arrêt, « toutes chambres assemblées et les pairs y séant, » qui fut un autre signal d’alarme et de désordres. Cet arrêt défendait vaguement les manœuvres frauduleuses tendant à empêcher l’approvisionnement des marchés. Ce même Parlement ordonna à tous les magistrats subordonnés de procéder à des inventaires