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au milieu du XIXe siècle, poussait à la liberté des échanges, parait à son déclin ! Les États se préoccupent beaucoup plus de leur développement économique que de l’abaissement du prix de la vie. Ils protègent comme ils étendent leur production. Faut-il rappeler que, dès 1889, l’Allemagne avait donné l’exemple ? L’exemple a été suivi. Les États-Unis, en 1891, la France, en 1892, l’Angleterre elle-même, en 1905, ont relevé leurs droits. Assurément, ces mesures ne ramènent point la prohibition. L’excès des tarifs provoquerait des représailles. Ici encore, entre ces nationalismes économiques, intervient le principe d’équilibre, car leur avantage est de s’entendre. Ces traités n’en sont pas moins une forme comme une garantie de l’indépendance. Chaque État ne cherche qu’à se défendre contre une expansion étrangère qui attenterait à sa vie, en menaçant ses intérêts.

Le principe national est toujours aussi vivant, et nous ne voyons point que son énergie créatrice soit épuisée. Une surprise même nous attendait, la faillite de l’internationalisme. Le droit des peuples fait craquer toutes ces fictions ; jamais leurs revendications ne furent aussi âpres comme leurs haines plus farouches. Il est probable que le monde continuera à vivre dans ces vieux cadres et qu’à l’édifice colossal, que lui promet le germanisme, il préférera ces demeures moins vastes, où chacun, du moins, se sentira chez soi. Tandis que des peuples anciens progressent, d’autres se constituent. Sous la forme encore indécise de l’enfance, le temps sculpte peu à peu la stature et les traits de leur âge viril. D’autres nous reviennent, qu’on croyait disparus. Etres mystérieux, inviolables, quelle vertu cachée les rend ainsi irréductibles les uns aux autres et leur fait défier les siècles ? On les opprime, ils se redressent ; on les mutile, leurs membres se rejoignent ; on les croit morts, ils vont renaître. Le cimeterre du Turc n’a fait disparaître ni l’hellénisme, ni les races des Balkans. Les voici rendus au conseil de l’Europe. Les partages sacrilèges, dont le crime pèse lourdement sur tous, n’ont pas anéanti la Pologne. Tôt ou tard, elle retrouvera cette unité que lui préparent sa foi, son héroïsme et son martyre. L’atroce traitement infligé aux Belges n’a pas ébranlé leur passion de l’indépendance ; ils l’ont aimée davantage en souffrant, en mourant pour elle. Ainsi l’histoire, qui enregistre parfois la défaite des petites patries, témoigne