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LE PANGERMANISME
ET
LA PHILOSOPHIE DE L’HISTOIRE
LETTRE Á M. HENRI BERGSON


Mon cher ami,

Vos admirables pages sur le germanisme sont dans toutes les mains. Je ne crois pas qu’il y ait sur l’Allemagne un jugement plus pénétrant, une explication plus exacte de son caractère, de ses méthodes, de ses attentats. Vous avez démontré ce qu’elle est devenue : une barbarie savante, et pourquoi elle l’est devenue. Nous suffit-il cependant de décrire comme de flétrir ces procédés ? Un appel éloquent et ému aux consciences ne réussirait pas, je le crains, à convaincre ceux qui, trop sensibles aux raisons de la force, ne prétendent céder qu’à la force de la raison. Or, cette force, l’Allemagne se flatte encore de l’avoir à son service. Elle a encadré ses savans comme ses soldats. Elle entend à la fois imposer sa puissance et la justifier, représenter la meilleure organisation comme la plus haute culture. La science ne lui donne point seulement des moyens, mais une doctrine, et la certitude que le gouvernement du monde va passer entre ses mains.

À ce rêve du pangermanisme, l’histoire surtout a fourni ses élémens. Et, certes, nous ne saurions méconnaître que l’Allemagne n’ait été, an XIXe siècle, un des grands foyers des études