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dispose à un gouvernement qu’il juge néfaste pour le pays. Il a été vivement interrompu par plusieurs ministres qui, à leur tour, ont condamné sa propre politique et ont déclaré que, si elle avait été suivie, elle aurait entraîné la Grèce à sa perte. Entre M. Venizelos et le gouvernement, l’opposition est donc irréductible ; ils se lancent mutuellement les mêmes accusations à la tête ; rien ne saurait les réconcilier. On sait malheureusement que la politique du ministère est celle du Roi, de sorte que celui-ci est découvert et que la lutte qui se poursuit a l’air directement d’être entre lui et M. Venizelos. Avons-nous besoin d’en montrer l’inconvénient ? Il a été mis très en relief par une interruption et une interrogation imprudentes qui ont été adressées à l’orateur. — Croyez-vous donc, lui a-t-on demandé, que le Roi travaille contre le pays ? — M. Venizelos a fait remarquer ce qu’une telle question avait d’incorrect et, après avoir dit que, pour son compte, il s’était toujours abstenu de mêler le nom du Roi, constitutionnellement irresponsable, à des débats auxquels il devait rester étranger, il a repoussé comme absurde la mauvaise pensée qu’on lui prêtait, mais il a conclu que, si le Roi était un bon stratège, sa préparation politique était insuffisante. On sait que l’opinion, en Grèce, attribue au roi Constantin le mérite des récentes victoires que l’armée a remportées ; de là le titre de bon stratège que M. Venizelos lui décerne ; mais à quoi sert un bon stratège quand on est décidé à ne pas faire la guerre? La neutralité fait évidemment perdre au Roi quelque chose de son mérite. Quoi qu’il en soit, la Chambre a voté dans une grande effervescence et, la majorité, continuant de suivre M. Venizelos, a mis le ministère en minorité de 33 voix. Aussitôt M. Zaïmis a donné sa démission et la crise ministérielle a été ouverte.

Comment la dénouer? L’obstination du roi Constantin est connue : aussi croit-on généralement que la Chambre sera dissoute et que le gouvernement procédera à des élections nouvelles. Quelque violente que soit cette solution, si on songe que les dernières élections sont toutes récentes et qu’il n’y a pas lieu de croire à un changement dans la volonté du pays, elle aurait pu être jugée strictement légale à un autre moment; mais peut-on y recourir à un moment où, l’armée étant mobilisée, une grande partie des électeurs est sous les drapeaux et ne peut pas voter? Le cas est embarrassant pour tout le monde : pour le gouvernement, qui s’expose de plus en plus à violer dans leur esprit les institutions fondamentales du pays, et pour M. Venizelos, qui risque de perdre un grand nombre d’électeurs, mis dans l’impossibilité de voter. On comprend le peu d’empressement qu’ont montré à le