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et je crois que la Reine a échoué dans son idée de la faire épouser à Charles Tascher. M. Perregaux s’en serait bien arrangée La duchesse de Raguse avait l’air de désirer beaucoup ce mariage, mais le vieux marquis n’entendait pas de cette oreille et a pris Alphonse en grippe, de peur qu’il ne plaise à sa fille dont il s’occupait beaucoup avant notre arrivée ; mais, comme il n’en a pas été de même après, Elisa s’est piquée contre lui de son empressement pour Laure, s’est mise en guerre avec lui, et a dit bêtises sur bêtises.

24 septembre.

C’est le dimanche 25 que le prince de Montfort est arrivé avec son fils Napoléon et le bon et honnête M. Bohl, auquel il a laissé à peine le temps de se reposer ; il l’a envoyé à Stuttgard chercher le prince Jérôme. Le roi de Wurtemberg n’a pas voulu le laisser aller ni en Suisse, ni à Arenenberg, à cause de toutes les affaires de Suisse, de réfugiés et des bruits de conspiration.

La Reine me disait que le Prince avait été enchanté de son séjour à Baden, qu’il s’y était fait beaucoup d’amis. Les vieux militaires l’abordaient, les larmes aux yeux, les jeunes lui disaient : « Nous comptons sur vous, » et M. Berryer avait dit à la Grande-Duchesse : « Le Prince a des chances. Tout est possible en France, excepté ce qui est. » Je voyais quelles espérances tout cela leur donnait, mais-sans rien prévoir…

Le prince Napoléon ne voulut pas se coucher, quoiqu’il eût passé cinq jours et cinq nuits en voiture. Il était étonnamment grandi et voulait faire l’homme, il a même dansé ; mais, ne s’étant pas émerveillé au premier moment des demoiselles de Maunbach, il n’a eu aucun succès auprès d’elles. Il est vraiment gentil avec nous. Le lendemain, il s’est mis à chercher avec nous une pièce à jouer, et, après avoir perdu bien du temps à en lire, on a pris la répétition d’un proverbe dans laquelle M. Charles de Serreville s’est chargé d’un rôle immense qu’il a joué avec beaucoup de complaisance. Il est très bon garçon dans cette circonstance, il gagne à être connu. Après avoir chassé un jour et passé gaiment son temps avec nous, M. de Girardin (qui détestait les Grenay, qui le lui rendaient, bien) nous a quittées le 29 septembre, en faisant les plus tendres adieux et en nous disant que « si nous ne revenions pas bientôt en France, il viendrait nous chercher avec son régiment. »