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bras du Prince passé autour d’elle. Comme le Prince regardait l’heure qu’il était, je lui ai demandé si c’était l’heure du berger. Il m’a répondu « non, mais que cela pouvait le devenir. » À propos de l’adresse des femmes, j’ai dit que « les hommes avaient aussi la leur ; c’était la fausseté, la dissimulation et qu’en cela, ils étaient fort habiles. » La Reine est venue s’asseoir près de nous. Son fils lui a dit que, décidément, il ne resterait pas jusqu’à la fête des chanteurs de Constance, le 12 ; cela le retarderait trop. J’ai compris que la nuit porte conseil. Vu sa position vis-à-vis de sa cousine, il pensait sage de fuir le danger vis-à-vis de Louise. Les femmes ne deviennent observatrices que quand elles n’ont plus d’intérêt à l’être. Elles ne pensent beaucoup que lorsqu’elles veulent un peu moins ; dans la jeunesse, les impressions sont si vives qu’elles absorbent tout, et la femme qui aime est bien plus dupe de ses propres émotions que des artifices de celui qui la trompe. Les hommes ne comprennent pas les femmes honnêtes. |3|fs=90%

Valérie à sa sœur.

Je ne t’ai pas dit, chère bonne, que la famille Tascher est ici. C’est par elle que je sais que le roi Louis a enfin envoyé le consentement au mariage de son fils. Il lui assure une belle fortune. Ainsi voilà tout le monde au comble du bonheur. Hier, dimanche, Mme Salvage a reçu une lettre de Mme de Reding. « La Princesse est toujours mélancolique. Son père fait tout au monde pour la distraire sans y parvenir. Ce qui lui faisait plaisir autrefois n’est plus rien pour elle ; elle ne soupire qu’après le moment où elle pourra se retrouvera Arenenberg… »

Le soir, la Reine m’a dit qu’elle avait beaucoup d’espoir qu’on lui rendra ses bois. Le ministre des Finances l’a promis. M. Desportes écrivait : « que le maréchal Gérard avait été dîner à Neuilly. Le Roi lui avait dit devant le ministre des Finances qu’il devait faire quelque chose pour la duchesse de Saint-Leu. Elle ne demande que la restitution de ses bois. » La Reine ajoutait que le Duc d’Orléans, ne pouvant obtenir une Autrichienne, allait peut-être se rabattre à la princesse Marie. La grande-duchesse en serait bien heureuse. C’était peut-être ce projet-là qui décidait le Roi à faire quelque chose pour elle.