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nouvelles aussi rassurantes que celles que je lui apportais. La Princesse me reçut très bien. Après le dîner, nous avons été au château, j’ai fait ma visite à la Princesse régnante ; elle a accepté avec empressement le projet de la partie d’Uberlingen que j’étais chargée de proposer pour mercredi de la part de la Reine… La princesse Joséphine est un peu jalouse de son mari, par la faute de sa sœur la princesse Marie. Elle a eu la bêtise de lui écrire toute une histoire du prince Charles et de Marie d’Aichner dont il a été très amoureux. On prétend qu’à Baden, au moment où son mariage s’arrangeait, ils avaient des rendez-vous, qu’une grossesse s’en est suivie et qu’au bal de noces du Prince, elle y était enceinte, qu’ils ont dansé ensemble, qu’elle avait l’air fort triste et très embarrassée ; qu’ensuite, elle avait fait un voyage à Francfort pour y aller accoucher, ce qui ne l’empêchait pas d’épouser un baron de Waugenheim, cavalier de cour du prince de Hechingen. Les amours de Mlle de Jahnenberg et de M. d’Esbeck fournissent aussi aux caquets, et la pauvre Aldesheim s’en meurt de jalousie. Rentrées, nous avons été bien vite au salon recevoir tout le château venant prendre le thé avec le prince Jérôme. Je l’ai remercié et lui ai fait mes adieux.

Le lendemain 21 avril, à quatre heures du matin, nous étions en route pour Strasbourg. Notre mère vivait, et papa, en nous contant sa maladie, nous donnait l’espoir de la conserver encore un an ou deux. Le jeudi 28, Fanny put nous quitter plus tranquille… Le général Voirol avait été du nombre des visites que nous avions reçues la veille. Il avait beaucoup insisté pour que j’aille voir sa femme. Je ne l’aurais pas fait si le souvenir du Prince et de la Reine ne m’y avait entraînée, et là, j’ai parlé d’eux de manière à émouvoir ceux qui m’entendaient et à leur communiquer quelque chose du tendre dévouement que je leur porte. Le colonel Vaudrey vint aussi me parler d’eux. Il me conta qu’un colonel avait eu la platitude d’écrire au ministre pour dire qu’il avait reçu le livre du Prince et pour demander s’il fallait répondre. Malgré la défense, M. Vaudrey me promit une lettre pour mon prince et me parla du plaisir qu’il aurait à faire sa connaissance. Je l’ai engagé à venir et, le samedi, il m’a apporté une lettre pour mon cher prince. Aimé[1] m’a

  1. Aimé de Franqueville, mari de Laure Masuyer, aide de camp du lieutenant général Voirol, qui commandait le département du Bas-Rhin.