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mètres environ, mais qui laissent au-dessous d’eux une zone libre d’au moins vingt a trente mètres… » Ne vous semble-t-il pas que le problème du passage de nos sous-marins de la mer Egée dans la mer de Marmara eût depuis longtemps reçu une solution pratique ?

Et j’entends bien que l’on peut objecter qu’il était difficile, il y a dix-neuf ans, de prévoir les péripéties inattendues du conflit actuel. Prenons donc un autre exemple, auquel on n’aura rien de semblable à opposer, assurément :

« Un des types proposés devra satisfaire à la condition d’atteindre, en plongée, un mouillage séparé de la haute mer par un estuaire de fleuve, dont le chenal, long de dix-huit milles marins environ, n’a que dix ou douze mètres de profondeur, et peut être complètement barré par des filets métalliques, en même temps que défendu par des mines appropriées… » Ce sont là les caractéristiques essentielles de l’estuaire de l’Elbe, depuis Scharnhorn, dont on parlait récemment aux lecteurs de la Revue, jusqu’à l’ancrage de la Hochseeflotte entre Cüxhaven et Brunsbüttel. On ne dira sans doute pas qu’une telle opération ne pouvait entrer, en 1896, dans les prévisions des chefs de la marine française. Dix-huit ou vingt ans avant cette date, — j’ai déjà eu l’occasion de citer ce fait, mais il ne faut pas craindre d’y revenir, — un ministre qui était en même temps un amiral et un homme de guerre d’une haute valeur, avait fixé d’une manière précise à ses ingénieurs les grandes lignes de l’objectif militaire qui consistait à battre efficacement avec des cuirassés à très faible tirant d’eau les ouvrages en fonte Gruson de certains estuaires allemands. Et il avait obtenu satisfaction[1].

Mais je veux bien encore que l’article de programme dont je viens d’esquisser l’hypothétique rédaction puisse paraître trop exigeant, pour l’époque. Du moins, comme il était déjà bien certain que les filets constitueraient toujours le principal obstacle opposé, à l’entrée d’un port ou d’un passage étroit, quel qu’il fût, aux sous-marins tentés de la forcer, comment

  1. Il s’agit de M. le vice-amiral Jauréguiberry, le célèbre lieutenant de Chanzy à l’armée de la Loire, et deux fois ministre de la Marine, en 1879 et en 1882. En fait, il n’y eut que dans l’estuaire de la Weser, en avant de Bremerhaven, que les Allemands construisirent des ouvrages protégés par des voussoirs en fonte Gruson. Mais les canonnières cuirassées du type Phlégéton que l’amiral fit construire eussent été d’autant plus capables de lutter avec avantage contre les batteries du modèle classique.