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ministère des Affaires étrangères, et nommément le général Ignatieff, qui y avait, grâce à la maladie du prince Gortchakof, acquis une certaine influence, demandait surtout qu’on nous livrât la partie de la Macédoine qui n’était pas occupée par nos troupes, mais devait faire partie de la trop grande Bulgarie créée par le traité de San Stefano. Il fut convenu que le général Todtleben verrait le grand vizir et le ministre des Affaires étrangères et leur poserait carrément les exigences de notre gouvernement. Je promis, dès que mes forces me permettraient de m’occuper d’affaires, d’aller soutenir ses démarches jusqu’à ce qu’un représentant de l’Empereur, en règle, vînt me relever de cette charge. Au moment où le général Todtleben sortait de chez moi, je dis au prince Imérétinsky : « Vous savez que vous êtes mon candidat pour le poste d’ambassadeur à Constantinople. » Je le jugeais en effet absolument capable d’occuper cette place, et j’appris de lui plus tard qu’il avait été en effet question, à une époque ultérieure, de sa nomination. Ma proposition lui plut en ce moment. « Faites-en la proposition, me dit-il, j’en serai ravi, je ferai tout ce que je puis pour bien me tirer d’affaire. »

J’expédiai réellement un télégramme au prince Gortchakof pour dire que la proposition de rester à Constantinople m’avait été faite par le général Todtleben, qu’il s’était convaincu de l’impossibilité pour moi d’y rester, et que, dans cette conjoncture et vu les circonstances politiques, je croyais devoir soumettre l’idée « si, parmi les diplomates en fonction ou les anciens ambassadeurs (Ignatieff, Lobanow, Budberg), on ne trouvait pas de personnes qu’on voulût envoyer à Constantinople, de nommer un militaire, » et je citai le nom du prince Imérétinsky. Deux jours après, je reçus un télégramme qui m’annonçait que l’Empereur avait fait choix du prince Lobanow, et me chargeait de demander pour lui l’agrément de la Porte. Le nouvel ambassadeur se rendrait incessamment à son poste, et je pouvais, après lui avoir remis les affaires, aller en congé soigner ma santé.

Les forces me revinrent assez vite, en quantité suffisante pour me permettre de commencer à travailler. Il fallut avant tout organiser un peu le service. Quelques employés, pour la plupart, anciens collègues, étaient arrivés. J’installai la chancellerie, réclamai de Pétersbourg les archives qui avaient été emportées lors de la rupture, et je repris mes visites à la Porte