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faisait à la tribune. Sa fermeté a refréné les impatiences et les curiosités. Finalement, un ordre du jour de confiance a été voté à la quasi-unanimité, M. Painlevé et ses amis ayant déclaré qu’ils s’abstiendraient.

Le ministère a donc été sauvé, mais non pas consolidé. Il l’a senti lui-même et, pendant que nous écrivons, les journaux les mieux renseignés et même le plus habituellement inspirés, préparent l’opinion à un remaniement qu’il opérerait sur lui-même. Nous le regrettons un peu, non pas que le ministère fût parfait ; il en était même assez loin ; mais parce que sa permanence donnait l’impression d’une stabilité qui avait son prix. L’union qui s’est faite dans le pays s’est formée en partie sur l’idée de garder choses et hommes tels qu’ils sont. Si on se met à changer, après l’avoir fait une fois, peut-être faudra-t-il le faire une autre. Il est vrai cependant qu’avec la prolongation de la guerre dont le terme échappe encore aux yeux, il devenait de plus en plus difficile de ne toucher à rien ni à personne. Quelques autres ministres devaient passer par la brèche que M. Delcassé avait ouverte. Il faut donc s’attendre à un remaniement ministériel : nous le jugerons quand il sera fait.

M. Viviani, a naturellement parlé du concours que nos Alliés devaient nous donner en Serbie : ce concours était déjà promis par l’Angleterre et la Russie et, peu de temps après, M. Viviani a fait savoir au Sénat qu’il l’attendait également de l’Italie. L’omission de l’Italie dans la déclaration ministérielle avait produit une impression assez pénible, qui a été en grande partie effacée par la déclaration ultérieure de M. le président du Conseil. Ce n’est d’ailleurs pas seulement en France que le gouvernement a été amené à s’expliquer sur la situation orientale et sur les mesures qu’elle impose ; il en a été de même en Angleterre et, presque en même temps que M. Viviani, sir Edward Grey, a dû prendre la parole. Il a commencé par raconter, lui aussi, l’histoire de nos négociations avec la Bulgarie et de leur fâcheux dénouement. On a reproché à notre diplomatie d’avoir eu des illusions : la diplomatie britannique les a partagées ; elle les a même perdues plus difficilement et plus lentement que nous. Sir Ed. Grey a d’ailleurs fort bien discerné le motif de notre échec et du succès des Allemands : c’est que ceux-ci ont fait appel aux mauvais sentimens des Bulgares, tandis que nous avions invoqué les bons. « Étant donné les circonstances passées, a-t-il dit, la politique austro-allemande, qui consiste à fomenter des divisions et à envenimer les antipathies existantes, était d’exécution plus facile que celle qui avait pour but