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une victoire sans lendemain : quelque regrettable que soit le départ de M. Delcassé, la politique du gouvernement de la République n’en sera nullement changée. Nous ne nous arrêterons pas aux motifs de ce départ qui a été tout spontané de la part de M. Delcassé. Il a d’abord invoqué de simples motifs de santé: plus tard, dans une lettre écrite au président du Conseil, il a déclaré qu’il n’était pas d’accord avec ses collègues sur l’expédition de Salonique ou sur les conditions dans lesquelles on l’a engagée: mais sa lettre n’a pas été publiée et il est difficile d’en parler sans en avoir le texte. En tout cas, s’il y a eu un désaccord entre M. Delcassé et ses collègues, il est de date très récente, car M. Viviani a affirmé à la tribune qu’il ne s’est produit à aucun moment pendant que M. Delcassé collaborait avec eux. Laissons donc à l’histoire le soin de débrouiller ce mystère. Nous ne connaissons d’autre langage que celui du gouvernement devant les Chambres : il a été excellent.

Une première fois, M. le président du Conseil a lu une déclaration qui avait le défaut de raconter ce qui s’était passé, c’est-à-dire ce que tout le monde savait déjà, et d’être muet sur la conduite que le gouvernement se proposait de suivre. C’était pourtant le point intéressant et sur lequel il était inévitable qu’on lui posât quelques questions. M. Painlevé s’en est chargé. La séance a été longue, animée, confuse, par moment violente; mais la violence a porté sur des incidens qui n’avaient pas de rapport avec le débat, et quant à la confusion, elle est venue de ce que, tout en interpellant sur la Serbie, on songeait encore à autre chose. Nous n’étonnerons pas nos lecteurs en leur disant que quelques personnes n’auraient pas été fâchées de renverser le gouvernement. M. Viviani, lui, n’a parlé que de la situation internationale, et il l’a fait avec un sentiment élevé des devoirs que cette situation imposait au gouvernement. Il a indiqué les motifs pour lesquels l’intervention en Serbie lui avait paru nécessaire, ce sont à peu près ceux que nous avons donnés nous-même plus haut; en somme, il a satisfait la Chambre et désarmé, — pour un jour, — ses adversaires. Le terrain de combat que ceux-ci avaient choisi n’était peut-être pas très heureux : ils y avaient déjà été battus à plusieurs reprises. Il s’agissait d’obliger le gouvernement à s’expliquer à huis clos devant un comité formé des principales Commissions de la Chambre, ou devant la Chambre elle-même en séance secrète. M. Viviani a déclaré énergiquement que, des négociations étant en cours, il ne pouvait pas plus en faire état en séance secrète qu’en séance publique et qu’il n’en dirait pas plus ailleurs qu’il ne le