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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.





La question qui domine, en ce moment, toutes les autres et à laquelle toutes les autres se rattachent est celle de Serbie. L’héroïque petit peuple donne une fois de plus au monde un admirable exemple d’énergie ; mais il y a, entre ses adversaires et lui, une si grande disproportion de forces numériques que son succès serait un miracle : il serait téméraire d’y compter. Les choses tourneraient sans doute autrement, si la Serbie était secourue en temps opportun et avec des forces suffisantes. Faut-il la secourir? Les esprits se sont divisés : les uns ont été d’avis de le faire, les autres de s’en abstenir, et on est obligé d’avouer que, de part et d’autre, il y avait des argumens très forts. L’hésitation était permise. Mais aujourd’hui que toutes les Puissances de la Quadruple-Alliance se sont prononcées pour l’action et que quelques-unes d’entre elles y sont déjà entrées, la question a changé de face. Il ne s’agit plus de savoir si nous irons ou si nous n’irons pas à Salonique : nous y sommes, et il vaudrait certainement mieux n’y être pas allés que d’y faire preuve d’impuissance. Dès lors, si nous donnons les principaux argumens de ceux qui recommandaient la prudence et l’abstention, ce n’est pas pour les appuyer, mais seulement pour mettre sous les yeux de nos lecteurs tous les côtés de cette grave affaire.

Les partisans de l’abstention ne méconnaissaient pas l’intérêt que mérite la Serbie, et encore moins le danger que la nouvelle entreprise allemande fait courir à la cause des Alliés ; seulement, ils estimaient que, s’il convient à l’Allemagne de courir des aventures nouvelles, il est sage de ne pas l’y suivre et de maintenir la totalité de ses forces sur les points bien choisis où le sort final de la guerre doit se décider. Ce n’est pas, disent-ils, en Orient, entre le Danube, la Mer-Noire et la mer Egée, que cette décision de la guerre