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tourner, et, lorsqu’il en sort, il est animé d’un très rapide mouvement de rotation autour de son axe. Ce mouvement a pour effet de maintenir continuellement l’obus dirigé dans le sens de sa trajectoire, de même que cette petite toupie, que les enfans appellent sabot, est maintenue verticale lorsqu’elle tourne et parce qu’elle tourne. On obtient ainsi ce premier avantage de l’obus allongé : que la résistance qu’il offre à l’air est bien moindre que celle de l’obus rond et, partant, sa portée plus grande. En outre, et par une conséquence immédiate, il est possible, en allongeant l’obus, d’envoyer, avec une pièce de calibre donné, un projectile beaucoup plus volumineux, c’est-à-dire plus efficace, que le projectile sphérique de même diamètre.

Enfin, la ceinture de cuivre, en assurant une adhérence parfaite du projectile avec l’âme de la pièce, dont elle épouse la forme, empêche toute sortie prématurée des gaz de la poudre, et assure à celle-ci toute son efficacité.

La ceinture de cuivre des obus est donc un organe fondamental et irremplaçable de l’artillerie moderne, qui lui doit, pour une large part, ses qualités balistiques. Or, à cause de sa ductilité particulière, on ne peut substituer au cuivre aucun autre métal usuel.

Quelles sont donc, en cuivre, les ressources dont on dispose d’un côté et de l’autre de la barricade ? A l’extraction mondiale du cuivre, qui était en 1913 d’environ un million de tonnes, les Etats-Unis contribuent pour environ 55 pour 100. Aucun autre pays producteur de cuivre n’a un rendement comparable. Le Japon, qui vient tout de suite après avec 7,3 pour 100 du total, est suivi par l’Espagne et le Portugal, le Mexique, l’Australie, la Russie et le Chili, dont chacun fournit de 4 à 5 pour 100. Parmi les Alliés, l’Italie ne fournit que 0,16 pour 100, la Grande-Bretagne que 0,03 pour 100. Quant à la France, elle ne produit pas de cuivre. En face de nous, l’Allemagne produit 2, 5 pour 100, l’Autriche-Hongrie, 0,4 pour 100, au total, 2,9 pour 100, c’est-à-dire moins de 30 000 tonnes. Or, aucune des nations belligérantes ne suffit à ses propres besoins en cuivre, à l’exception du Japon. Toutes en importaient d’habitude des États-Unis : en 1913, par exemple, l’Allemagne en a importé 137 000 tonnes, la France 71 000, l’Italie, 18 000, l’Autriche-Hongrie, 17 000, l’Angleterre, 15 000.

Actuellement, grâce à la flotte anglaise, les Alliés peuvent se procurer tout le cuivre dont ils ont besoin, tandis que leurs ennemis en sont empêchés, du moins directement. Il est probable néanmoins qu’ils ont dû en importer quelque peu, grâce à la navigation neutre et