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XVIIe siècle n’est pas coite époque de morne soumission que des professeurs émérites et, aujourd’hui, de jeunes doctrinaires se plaisent à nous représenter. L’instinct n’est pas la fleur accomplie de l’intelligence. D’autre part, une psychologie un peu niaise a établi de ridicules hiérarchies entre les facultés de l’âme, installé parmi les fonctions du cerveau le régime des castes et faussé tout l’aspect de la machine mentale. L’intelligence n’est pas uniquement pioche et torche, outil d’incendie et de démolition. D’autre part, on aurait tort de méconnaître les vertus et l’efficacité de son opération critique. En somme, il y a de la vérité dans la thèse et l’antithèse.

Rémy de Gourmont, qui formule l’antithèse, serait un faiseur de paradoxes, oui, s’il ne veillait à ce que l’antithèse contînt de la vérité, le plus de vérité possible. Or, chacun des traits qu’il assemble pour dessiner son XVIIe siècle turbulent, il l’appuierait de preuves, au moins de justes remarques ; et pareillement il a des faits, de qualité scientifique, pour illustrer sa théorie de l’instinct ; des faits, de qualité philosophique, pour illustrer sa théorie de l’intelligence meurtrière.

Il ne cherche pas la vérité : nous avons vu qu’il la dédaigne, quand il donne le nom de la vérité à ces mensonges qui servent de bâton pour la route et de pain pour la besace et de vin pour la gourde aux plus médiocres voyageurs de ce bas monde. Et il écrivait : « Il est aussi absurde de chercher la vérité — et de la trouver, — quand on a atteint l’âge de raison, que de mettre ses souliers dans la cheminée la nuit de Noël ! » Ne l’impatientez pas là-dessus : il vous dira qu’il quête le « non-vrai. » Il ne cherche pas la vérité, mais il cherche de la vérité. Ce n’est pas la même chose ; et, en quelque façon, ne serait-ce pas le contraire ? Les amans de la vérité croient qu’elle existe ; Rémy de Gourmont ne croit pas à elle et, ces menus fragmens de vérité qu’il recueille, j’ai tort de les appeler des fragmens : il ne conçoit pas que leur assemblage puisse être complet, puisse composer la vérité. Ce ne sont pas des fragmens, ce ne sont pas des morceaux de la vérité : ce sont des jugemens qui en valent bien d’autres. Mais, répliquons-nous, il y a le détail de la réalité, il y a (comme on dit) les faits : et votre patience de philologue, de naturaliste, d’anecdotier, ne la dépensez-vous pas à collectionner des faits, vous qui êtes si content le jour que vous apprenez comment les langues romanes modifient le c initial devant une voyelle, comment les fourmis cheminent et ne font pas de différence pénible entre un plan vertical ou horizontal, et comment M. des Réaux jugeait la belle Mme de Monlbazon ?…