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composé avant. Le ton général de la discussion s’en ressentait.

Renan approuvait dans l’ensemble les frontières de la France à la veille de la guerre. Il trouvait bon que les pays flamands, même les pays wallons, Genève et la Suisse romande, n’eussent jamais été attribués à la France. « Ils offrent, disait-il, un asile aux émigrés de nos dissensions intestines, et, en temps de despotisme, ils servent de refuge à une pensée libre ; » mais Renan se permettait de regretter « qu’à l’époque des tractations amicales, on n’eût pas stipulé quelques cessions portant sur des pays disposés à se réunir à la France. » On aurait pu, par exemple, stipuler avant la guerre « la cession du Luxembourg au cas qu’il y consentît. »

La France aurait pu aussi obtenir, — toujours « à l’époque des tractations amicales, » — certaines corrections aux frontières de 1815 dans les régions de la Sarre et du Palatinat. Pour des raisons stratégiques, on avait séparé de la France des vallées qu’elle pouvait très raisonnablement réclamer. Mais, sauf cela, « elle n’avait pas un pouce de terre à désirer. » Impossible, n’est-il pas vrai ? d’exprimer dans un langage plus modéré des souhaits, après tout, essentiellement platoniques. Renan se bornait à formuler des vœux.


II

Les deux parties avaient parlé l’une après l’autre. La cause était entendue. Un homme de goût n’eût pas continué ce débat. C’est pourquoi David Strauss le continua.

Dans sa seconde lettre, le ton est devenu sensiblement plus arrogant que dans la première. La contradiction s’y fait plus sarcastique, l’ergotage plus hargneux. Strauss déclare en commençant qu’il se meut sur le même terrain que son correspondant français, qu’il obéit à la même philosophie : « Le loyal progrès de l’humanité sur la voie du libre et harmonieux développement de l’humanité est pour nous deux l’astre conducteur de nos pensées ; » mais toute la lettre de Strauss inflige un démenti à cet exorde. Le « loyal progrès de l’humanité » l’intéresse beaucoup moins que le brutal succès de l’Allemagne.

Après quelques malédictions préliminaires et hypocrites contre la « corruption française » et, ces « romans » et ces « danses de Paris » dont la Germanie faillit s’empoisonner,